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fortes se prêtaient mal à des labours d’attelage léger et de faible outillage des indigènes. L’embouchure de la Macta et de l’Habra, la plaine de la Mitidja, du lac Halloula au Hamiz, l’embouchure de l’oued Corso et de l’oued Isser, la plaine de Bougie, celle de Bône depuis le Fezzara jusqu’à la Calle. le cours inférieur du Salsaf, le bassin du Hamma assainis pendant cette époque étaient autant de marais. Tout le Sahel de Cherchel à Dellys, tout le versant de l’Atlas au sud de la Mitidja, les coteaux de Philippeville en dehors de la vallée du Salsaf, le Sahel entre Bône et Guelma entièrement défrichés vers 1850, étaient des champs de palmiers nains.

Douloureuses au contraire pour les populations indigènes furent les constitutions de périmètres faites de 1850 à 1863 au delà de cette première zone par les commissions de cantonnement. Là se trouvaient des terrains comme les terres du beylik autour de Constantine louées à azel, dont certaines populations étaient locataires de temps immémorial et se considéraient comme usufruitières. Dès 1869, les chefs indigènes se plaignaient au maréchal de Mac-Mahon de ce que les meilleures terres irrigables eussent échappé ainsi à leurs administrés.

Les confiscations de 1871 furent plus désastreuses encore pour les indigènes. Les terres dont ils furent alors dépossédés étaient les meilleures d’après l’appréciation des commissions chargées des opérations du séquestre. C’étaient des fonds de vallées à terres profondes, des plateaux accessibles à la culture des jardins et des olivettes situés à proximité des villages kabyles. Les opérations du séquestre de 1871 furent d’autant plus sensibles aux tribus qui les subirent, qu’elles eurent lieu souvent au sein d’une petite démocratie rurale, dense et peu munie de terres. Quant aux achats faits depuis cette époque pour la colonisation officielle, qu’ils aient été faits à l’amiable ou à la suite d’expropriation, ils n’en ont pas moins eu, dans nombre de cas, des conséquences fâcheuses. L’abandon des terres cultivés séculairement par leurs ancêtres, et auxquelles ils sont attachés par un lien dont la durée a fait une sorte de religion, est une épreuve morale et sociale qui a affecté péniblement les Arabes et les Kabyles et a été sans compensation pour eux[1]. En effet, payés en argent, les indigènes ne savent pas la

  1. Enquête sur les résultats de la colonisation officielle, par Peyerhimoff, 1906, passim.