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trop les erremens des chefs indigènes, de commettre des abus de pouvoir, des extorsions, et de provoquer, pour faire valoir leurs services, des insurrections périodiques. Mais sans avoir à examiner ici ce qu’il y eut d’exagéré ou de fondé dans ces critiques, nous devons dire que l’officier des bureaux arabes se montrait plutôt sympathique à l’Arabe, homme de grande tente, aristocrate, fastueux et magnifique. Son intimité avec les chefs indigènes qu’on lui a tant reprochée n’avait presque jamais le caractère d’un calcul ou d’une compromission, c’était une sorte de camaraderie militaire, presque de fraternité d’armes entre des hommes d’épée. Il se montrait volontiers plein d’humanité à leur égard, et dans la répartition des terres entre le domaine et les indigènes qu’entraînaient l’application du système de cantonnement et plus tard celle du sénatus-consulte, il prenait très souvent la défense de ses administrés dont il avait intérêt à ne pas provoquer les plaintes et les récriminations. Mais, en 1870, le régime militaire fut condamné sous la pression des colons qui se plaignaient, sinon de l’hostilité, du moins de l’indifférence des bureaux arabes à leur égard, et dès lors le territoire civil se développa avec une extrême rapidité aux dépens du territoire militaire. Ce territoire civil qui, en 1870, couvrait une superficie de 1 279 361 hectares avec 493 000 habitans seulement, fut porté en 1876 à 4 200 000 hectares avec une population de 1 316 000 habitans. En moins de deux ans, de 1880 à 1882, le gouverneur général, M. Albert Grévy, y incorporait 5 834 000 hectares et 926 000 habitans. A la fin de 1900 enfin, son étendue atteignait 13 087 000 hectares sur lesquels on recensait 4 159 000 habitans. Le territoire militaire ne comprend plus actuellement qu’une partie des Hauts-Plateaux et du Sahara algérien avec une population de 588 000 âmes. C’est seulement pour cette population de nomades et d’oasiens que l’ancienne organisation est maintenue.

Avec le régime militaire tomba le système de la domination pure, et le régime civil qui lui succéda inaugura une nouvelle politique, celle de l’assimilation. Dans cette conception l’Algérie ne devait plus être qu’un prolongement de la France et les diverses variétés de sa population devaient être administrées comme les Français de la métropole. On rêva de supprimer le poste de gouverneur général et le Conseil supérieur du gouvernement, d’isoler les départemens algériens, de ne laisser subsister