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plan de conduite. Elle ne veut pas recevoir d’argent, et, d’autre part, elle renonce à l’espoir d’une carrière régulière. Elle a la passion du théâtre. Elle rêve de se produire en public. Qu’à cela ne tienne ! Salvière est l’ami d’un ministre, Yvonne viendra dire des fables à la prochaine soirée de ce ministre... Cette conversation est jolie, spirituelle, divertissante. Nous y avons d’ailleurs l’impression très nette qu’aucun des deux personnages ne dit un mot de ce qu’il devrait dire. Ils sont, non pas dans la convention, non pas dans le faux, mais hors du vrai. Impression singulière en effet et qui, pourvu qu’on en ait pris son parti et qu’on soit entré dans le jeu, a son charme.

Au cours des deux actes qui suivent, il arrive... ce qui devait arriver. Un quadragénaire se fait, en tout bien tout honneur, l’imprésario de « la débutante. » Il la présente, l’accompagne, la chaperonne. C’est un voisinage et ce sont des frôlemens continuels. Le moyen de n’y pas perdre la tête ! Le fait est que Salvière est très vite tombé amoureux de sa petite protégée ; et il lui fait l’aveu de sa flamme dans cette soirée du ministère où Yvonne est acclamée. Yvonne deviendra-t-elle la maîtresse de Salvière ? Portera-t-elle le trouble dans la maison de ces braves gens ? On nous la donne pour une petite fille brave et forte, qui connaît la vie maintenant, et qui, pour la droiture et la loyauté, n’en craint pas une. Mais nous savons de reste que la droiture et la loyauté n’ont rien à voir en ces affaires-là. Et, quand le rideau se relève, nous apprenons, sans ombre d’étonnement, que Salvière est devenu l’amant d’Yvonne. Hélas ! cette liaison est pour lui cause de plus de tourment encore que de plaisir. Il a la sensation qu’il n’est pas aimé d’Yvonne comme il le voudrait. Elle le traite gentiment en monsieur un peu mûr et en bon papa ; il rêvait de régner sur ce cœur en conquérant, comme un Almaviva : il est bien de son âge ! Le malheur est qu’à Paris, comme ailleurs, tout se sait. Mme Salvière a été informée des faiblesses auxquelles a cédé le trop jeune quadragénaire. Elle l’invite à choisir entre sa femme et sa maîtresse. Salvière n’hésite pas à sacrifier une maîtresse qui ne l’aime pas... quand il découvre qu’Yvonne l’aime, à sa manière. Aimé, il est aimé ! Tout est remis en question.

Nous ne sommes pas très inquiets. Nous savons que dans le monde, voisin du nôtre, mais si différent ! dont M. Capus est l’ingénieux magicien, tout finit toujours par s’arranger à la satisfaction universelle. Lorsque, au dernier acte, Salvière et sa femme se rencontrent chez Yvonne, c’est pour apprendre que celle-ci quitte Paris et suit une troupe de comédiens en tournée dans le Midi. Salvière