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On a fêté Mlle Lavallière, dans le rôle d’Yvonne. On aime sa gaminerie, sa gaieté parisienne et son accent montmartrois. On l’applaudit pour elle-même. Après cela, que le jeu soit en contradiction à peu près absolue avec le rôle, cela n’a guère d’importance. C’est l’actrice qui plaît par un charme aigrelet, auquel on ne songe pas à se soustraire. M. Guitry (Salvière) est excellent dans ces rôles marqués et un peu lourds.


Et maintenant, en pleine déclamation ! Le Lys appartient au cycle de pièces du genre « avènement des temps nouveaux : » il y occupera une place des plus honorables. Le poncif en est d’une simplicité touchante et peut se résumer en quelques mots : c’est que tous les gens qu’on appelle honnêtes, sont d’affreux coquins ; en revanche, tous ceux, — ou plutôt encore toutes celles, — que la société tient en médiocre estime, doivent enfin recevoir le juste tribut de considération qui leur a été trop longtemps refusé. De toute évidence l’esprit ni l’agrément n’ont ici rien à faire. Mais il faut s’attendre à de beaux cris et à des tirades passionnées. C’est un genre où l’éloquence sévit.

Le comte de Magny a un fils, deux filles et pas le sou. Pour réparer l’injustice du sort, le jeune Gérard de Magny dispose d’un moyen, qui est de faire un mariage d’argent ; il y travaille de tout son cœur. Mais les filles sans dot peuvent faire leur deuil de l’hyménée : Odette de Magny, qui frise les trente-cinq ans, s’est installée dans son rôle de vieille fille ; la cadette, Christiane, est pareillement menacée des horreurs du célibat. Aussi brûle-t-elle d’épouser son voisin de campagne, le peintre Arnault. Mais celui-ci est marié, n’a pu obtenir le divorce, et voilà Christiane prévenue... Un peu de temps se passe. Le mariage de Gérard est à la veille d’être conclu, lorsque le jeune homme se heurte à un refus inattendu. Les réticences polies du futur beau-père sont terriblement inquiétantes. Gérard se livre à une enquête dont le tragique résultat est : qu’on accuse sa sœur Christiane d’être la maîtresse d’Arnault ! C’est sur cette situation que s’engage le troisième acte : cet acte est, à lui seul, toute la pièce.

La nouvelle, encore incertaine, de l’affreux scandale plonge toute la famille dans la consternation. Il s’agit d’obtenir de l’inculpée ou des aveux ou, ce qu’on espère encore, une dénégation formelle. M. de Magny, le père, disserte avec émotion sur l’honneur du nom. M. de Magny, le fils, plaide avec chaleur pour son bonheur compromis. Odette enfin, la grande sœur, commence par garantir la réputation sans tache de sa petite Christiane. A cet instant, celle-ci, pressée, harcelée, torturée,