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apparaissent, peut-être plus poétiques encore que celle de l’avant.

Ce sont comme les trois étapes du voyage des rois orientaux, précédant leur glorieuse arrivée au berceau de Jésus. L’une a pour fond la mer, avec d’étranges bateaux exotiques dont le vent gonfle doucement les voiles, au soleil couchant. L’innombrable cortège des voyageurs, après avoir abordé dans la baie, s’avance lentement sur un chemin sinueux, entre des rochers, se dirigeant vers une grande ville toute hérissée de tours, sous la double rangée de ses murs à créneaux ; et au centre de cette scène, sur un haut rocher qui domine l’horizon, se dressent, seules, semblables à une vision de rêve se découpant sur la masse bleue des eaux et le ciel doré, trois grandes figures blanches d’un relief merveilleux. Pendant que leurs compagnons poursuivaient leur route, les Mages ont gravi la montagne abrupte, et les voici explorant du regard l’immensité du monde, en quête de cette pauvre crèche où ‘ils savent qu’ils trouveront la réponse à toutes les questions de leurs puissans esprits. Vision à la fois magnifique et touchante, en vérité ; et le pieux génie du poète ombrien s’est créé d’instinct, pour nous la traduire, un langage d’une précision savamment familière que n’égaleront point les plus patiens efforts d’un Memling ou d’un Gérard David.

Les trois Mages sont revenus rejoindre leur escorte : nous les voyons maintenant qui chevauchent, dans la « lunette » du milieu, éblouissans de lumière sous leurs manteaux brodés et les cercles splendides de leurs auréoles. Ils se dirigent, cette fois, vers une forteresse dont déjà leur avant-garde va atteindre la porte ; et le délicat ruban du cortège se déroule, sur toute la largeur de la scène, opposant son mouvement bariolé au calme environnant de vertes campagnes, dans l’enchantement d’un beau soir printanier. Lorsque, plus tard, Benozzo Gozzoli voudra figurer à son tour le poétique voyage des trois pèlerins, c’est à cette « lunette » du vieux Gentile qu’il empruntera l’ordonnance et jusqu’aux détails de sa fresque fameuse de la Casa Medici.

Enfin l’image de droite nous raconte la dernière étape de l’expédition. Ici, par un ingénieux artifice, Gentile ne nous fait voir que l’entrée et la sortie d’une autre ville, — si proche du terme du pèlerinage que, sans doute, il aura entendu y représenter Bethléem, après nous avoir montré Jérusalem dans la vaste cité de la première scène ; et tandis que le groupe des Mages s’apprête à y pénétrer par l’une des portes, déjà l’avant-garde a traversé la ville, et commence à descendre vers le plan de la crèche. Ainsi les quatre sujets se