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précoces. Si les femmes sont réputées nubiles à douze ou treize ans, les hommes peuvent contracter le mariage à quinze ou seize ans, quelquefois plus tôt. Les Européens attribuent volontiers à cette précocité amoureuse l’arrêt brusque que signalent tous les éducateurs dans le développement intellectuel des jeunes Orientaux et, en particulier, des jeunes Musulmans. Qu’il s’agisse de petits manouvriers, ou d’adolescens de la bourgeoisie, combien de fois n’ai-je pas entendu des directeurs de collège ou des chefs de chantier me répéter : « C’est un fait ! A quatorze ans, leurs cerveaux sont bouclés. Rien n’y entre plus ! » Il y a évidemment bien des exceptions embarrassantes à cette règle. Cependant il est certain que même les mieux doués manifestent, dès les approches de la puberté, une sorte de torpeur ou de paresse intellectuelle. Et si je me bornais à reproduire les appréciations des Européens, ou encore les propos des fonctionnaires coptes ou syriens contre leurs confrères musulmans, je devrais employer des expressions beaucoup plus vives.

Mais cette infériorité a ses compensations. Grâce à la jeunesse vigoureuse des conjoints, la splendeur de la race se maintient intacte. En Egypte surtout, elle est admirable. Quelles que soient les tares morbides qui la contaminent, elle se perpétue en des exemplaires si parfaits qu’on en oublie la masse débilitée, pour ne plus voir que l’élite robuste et saine. A un moindre degré, on pourrait presque en dire autant de tous les pays orientaux. Chez ces peuples simples et restés indemnes de toutes nos névroses de civilisés, la force et la beauté physiques font toujours prime. C’est en ce sens que, réellement, ils sont, comme ils le soutiennent, beaucoup plus démocratiques que nous. Il n’est haut emploi, il n’est fortune étourdissante à laquelle un gueux ne puisse prétendre, s’il a le don divin de la beauté et pour peu que les circonstances le favorisent. De tout temps, il en fut ainsi, aussi bien dans la Constantinople byzantine que dans la Stamboul musulmane. L’histoire de Basile le Macédonien, ce palefrenier du Cirque, qui passa de l’écurie au Sacré Palais, s’est rééditée depuis et se réédite encore en une infinité de variantes. Si un romancier s’amusait à recueillir les faits divers de ce genre qui circulent, chaque année, à Péra ou au Caire, il y découvrirait une mine de sujets invraisemblables, à la fois d’un réalisme un peu rude et d’une fantaisie égale à nos contes de fées les plus chimériques. Il n’y a pas que