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forcément très précaire. On rencontre souvent sur la Manche des mauvais temps qui paralysent l’action des petits bâtimens sans être assez forts pour empêcher les gros navires de tenir la mer et d’effectuer un bombardement efficace.

Comme conséquence de cette inaptitude de Cherbourg à soutenir un rôle défensif, nous ne devrions avoir dans ce port que des forces de toute première ligne, prêtes à prendre la mer. La place des bâtimens de combat qui ne sont pas armés et qui par suite sont incapables de se protéger eux-mêmes, doit se trouver en un lieu plus sûr, plus éloigné des atteintes possibles de l’ennemi. Si une escadre, partie de Cherbourg, se trouvait coupée de sa base, elle pourrait se replier sur Brest, c’est-à-dire que la règle des deux ports se correspondant sur une même mer est satisfaite.

Il y a lieu de remarquer toutefois que les îles anglo-normandes se trouvent sur la route qui mène de Cherbourg à Brest. Quoique cette remarque paraisse n’avoir que peu d’importance à une époque d’ « entente cordiale, » il n’en reste pas moins que la correspondance de nos deux arsenaux de la Manche, Cherbourg et Brest, est marquée d’une tare dont on pourrait ressentir toute la gravité dans d’autres circonstances de politique internationale. En s’appuyant à la fois sur la côte anglaise et sur les îles anglo-normandes, une force navale pourrait intercepter les communications entre Cherbourg et le reste des forces navales du pays. Enfin, nous devons nous souvenir qu’en 1871, Cherbourg a déjà eu ses communications terrestres avec le reste du territoire fort menacées.

Ces considérations nous amènent à penser que notre situation dans la Manche n’est pas aussi favorable qu’elle devrait être. Aucun sacrifice ne devrait être consenti pour augmenter l’activité de l’arsenal de Cherbourg avant qu’on ait réussi à le doter d’une plus grande capacité défensive. Dans l’état actuel des choses, on ne peut mettre en lui qu’une confiance relative.

A Brest, nous sommes, à tous les points de vue, au centre même de la puissance navale du pays dans le Nord. Les plus heureuses ressources pour l’attaque et pour la défensive y sont réunies.

Par sa position avancée à l’extrémité de la presqu’île armoricaine, Brest commande à la fois la Manche et l’Atlantique. Sa rade, capable d’abriter d’immenses flottes, est absolument sûre.