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« Ce sont les opprimés et les souffrans que j’aime…
La liberté du monde enfante mes douleurs…
Je lutte pour l’humanité, non pour moi-même…
De ses purs chevaliers j’arbore les couleurs.

« Si le bonheur n’est pas le prix de la justice,
Le rêve est plus divin qu’on affirme en tombant,
Ô sœurs, ô nations, je m’offre en sacrifice,
Je monterai pour vous sur mon bûcher flambant ! »

À ces mots, tous les dieux, tous les héros solaires
Quittèrent leur séjour dans un joyeux tournoi ;
Vers ton chêne lançant leurs coursiers de lumière,
Ils s’écrièrent tous : « Nous sommes avec toi ! »

Et moi, France, à ce cri, j’ai salué ma mère,
Dans ton cœur débordant j’ai reconnu mon cœur.
Et mes mains ont placé sur ta fauve crinière
Le rameau d’or, le gui, couronne du vainqueur !


LE NAVIRE


Fluctunt nec mergitur.
Devise de Paris.

Ô vaisseau de Paris, bel esquif de la France
Par tous les vents du ciel battu,
Si tes voiles toujours se gonflent d’espérance,
Sur la mer perfide où vas-tu ?
Où sont tes dieux absens ? sais-tu bien ton symbole,
Nef ondoyante qui t’envoles
Sur le flot courroucé d’un sauvage courant ?
Tes dieux, — je m’en vais te les dire
Et ton étoile aussi. — Mais à toi, beau navire
De suivre l’astre fulgurant.

Au temps où les Gaulois chevelus, fils des druides,
Cachaient leurs glaives sous les houx,
Des prêtres blancs, venus des grandes Pyramides,
Où le Sphinx gît aux sables roux,