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— « A la Bourse ! à la Bourse ! criaient les hommes d’affaires. Nous doublons le prix de la course, et au triple galop ! » Parmi les journalistes, même empressement et concert de même nature. « Aux bureaux de la Marseillaise ! s’exclamaient les uns. Au Réveil ! Au Siècle ! A l’Opinion nationale ! Au Rappel ! » commandaient les autres, et, sous le stimulant du fouet, on voyait les haridelles de la place sortir l’une après l’autre de leur repos et s’élancer rapides comme des flèches.

Dans la salle des conférences des députés, Gressier, l’ancien ministre, esprit ferme, judicieux, nullement disposé à la guerre, m’aborde. Je lui exprime ma volonté, si la renonciation est sérieuse, de ne pas me prêter à ce qu’on ente une nouvelle exigence sur l’incident Hohenzollern, pas plus celle du traité de Prague que toute autre. « C’est bien, me répondit-il, vous ferez un acte de courage ; mais ne vous y méprenez pas, c’est votre chute ; le pays ne se contentera pas de cette satisfaction. » Un grand nombre de députés se forment en groupe autour de moi, m’interpellent. Plus libre d’exprimer ma pensée avec eux que je ne l’avais été quand je me trouvais au milieu de journalistes, je leur répétai ce que je venais de dire à Gressier. De nombreuses protestations s’élevèrent. A droite, ce fut un bouillonnement de colère : « Ollivier dit que tout est terminé. C’est indigne. La Prusse est venue nous chercher ; il faut en finir avec elle. » Quelques membres se réunissent en hâte dans un bureau de la Chambre, décident qu’il ne faut pas tarder à protester contre la pusillanimité du Cabinet et rédigent une demande d’interpellation que Duvernois est chargé de porter immédiatement à la tribune.

J’entre dans la salle des séances. Clément Duvernois se lève et, d’un ton menaçant, comme réponse à mes espérances pacifiques, dépose en son nom et au nom de Leusse, l’interpellation suivante : « Nous demandons à interpeller le Cabinet sur les garanties qu’il a stipulées ou qu’il compte stipuler pour éviter le retour de complications successives avec la Prusse. » Il ajouta qu’il n’insistait pas pour la fixation d’un jour et qu’il s’en remettait à la Chambre et au gouvernement. « Le courant de la guerre, disait la Gazette de France, semble l’emporter. A la salle des conférences du Corps législatif, un député vendéen a dit hautement que, si le ministère se contente de la renonciation du prince Antoine au nom de son fils, l’Extrême-Droite ne s’en