Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 51.djvu/62

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

contentera pas. En somme, la majorité semble portée à la guerre ; il se pourrait que le ministère fût renversé s’il s’arrêtait maintenant. »


II

Duvernois venait de s’asseoir ; un huissier m’avertit qu’un aide de camp de l’Empereur désirait me parler. Je sors, et l’aide de camp me remet le billet suivant : « Les Tuileries, 12 juillet 1870. — Mon cher monsieur Émile Ollivier, je voudrais pouvoir causer quelques instans avec vous avant de rentrer à Saint-Cloud. Vous connaissez la dépêche du prince de Hohenzollern au maréchal Prim. Si on annonce la nouvelle à la Chambre, il faut au moins en tirer le meilleur parti et bien faire sentir que c’est sur l’injonction du roi de Prusse que la candidature a été retirée. — Je n’ai pas encore vu Gramont. — Le pays sera désappointé. Mais qu’y faire ? Croyez à ma sincère amitié. » C’était la première note pacifique qui m’arrivait. Je devinai le désir qui se cachait sous le si on annonce. Évidemment l’Empereur eût voulu que je montasse à la tribune pour y lire la dépêche, insinuer que le résultat était dû à l’intervention impérative du Roi et que l’incident était clos. Lire la dépêche n’avait plus d’opportunité depuis que tous les députés en avaient connaissance. Quant au public, il l’apprendrait plus vite ou aussi vite par les journaux du soir. Une lecture, comme du reste l’indiquait le billet de l’Empereur, n’aurait eu de valeur que si elle avait été accompagnée d’un commentaire ou suivie d’une conclusion. Comment aurais-je pu me permettre un commentaire ou une conclusion sans m’être au préalable concerté avec mes collègues ? Je les cherchais autour de moi : aucun n’était présent, et Gramont conférait avec Werther, venu d’Ems.

On peut juger, par la lettre suivante de Chevandier, de ce qui serait arrivé si j’avais obéi au désir implicite de l’Empereur « D’après ce que j’ai su de nos collègues du ministère, la Chambre serait très belliqueuse, et cela les impressionne quelque peu. — On se plaint, je vous aime trop pour ne pas vous le dire, de la communication que vous avez faite dans les couloirs d’une dépêche qui ne vous était pas adressée (à cet égard vous seriez couvert par la communication faite par l’ambassadeur d’Espagne) et dont, en tout cas, on trouve la communication