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aider son allié à sortir sans guerre de la situation difficile où il s’enfonçait, dénaturées par les agens allemands, sont représentées à Pétersbourg comme un manquement à nos devoirs d’alliés. La presse allemande, se servant adroitement des exagérations de la nôtre, amplifie les moindres incidens et dépeint la France comme le foyer de toutes les révolutions. A Berlin et à Vienne on multiplie les efforts pour faire oublierai ! Tsar et à ses ministres la pression menaçante exercée sur eux. Dès le lendemain du jour où M. Isvolski céda aux représentations du comte de Pourtalès, la Gazette de l’Allemagne du Nord et le Fremdenblatt publiaient des notes, inspirées par la Wilhelmstrasse et le Ballplatz, où ils se donnaient beaucoup de mal pour expliquer que jamais l’Allemagne n’avait exercé la moindre pression à Pétersbourg, encore moins formulé des menaces, et qu’elle n’avait agi que dans l’intérêt de la Russie ; il fallait donc se garder de croire aux inventions des journaux malveillans. La même tactique continue : caresses et intimidation ; on a été jusqu’à lancer la fantaisiste nouvelle de négociations en vue d’une alliance entre l’Autriche-Hongrie et le Japon pour faire échec à la Russie. La presse et la diplomatie expliquent chaque jour aux Russes que l’appui de la France et de l’Angleterre est impuissant à servir leur politique balkanique et qu’en prévision des événemens graves qui peuvent survenir dans l’Empire ottoman, c’est avec la Triple Alliance, et particulièrement avec l’Allemagne qu’une entente serait profitable ; l’Allemagne pourrait aider la Russie à retrouver, en la partageant avec l’Autriche, l’influence que la jalousie de l’Angleterre, lui a ravie au Congrès de Berlin. En face des Jeunes-Turcs, que l’on représente comme voués à l’impuissance, de la France et de l’Angleterre liées à eux par des affinités révolutionnaires, c’est aux trois empereurs qu’il appartient dérégler le sort de l’Orient. Telles sont les amorces à l’aide desquelles on tente de capter la confiance des Russes. C’est trop faire injure à leur clairvoyance. Ce ne sont ni les caprices des souverains, ni même les sympathies des peuples qui décident des alliances, — l’Italie en est la preuve ; — tant que subsistent les conditions historiques qui les ont fait naître, les alliances demeurent. Celle de la Russie et de la France est née du Congrès de Berlin et de la politique de Bismarck. Entre l’Autriche et la Russie, l’option n’est pas moins inévitable aujourd’hui, pour l’Allemagne, qu’au temps où Bismarck s’efforçait