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siégeront donc assez longtemps pour se spécialiser vraiment.

Dès lors qu’on décidait d’accommoder l’institution américaine aux habitudes françaises en matière pénale, il ne pouvait être question de supprimer la publicité. Cette publicité est encore pour nous une des garanties de la défense auxquelles il est difficile de porter atteinte. Cependant M. Deschanel propose que le public soit restreint aux témoins, aux parens, aux avocats, aux représentans des patronages, aux journalistes et aux personnes régulièrement autorisées : pour les causes où des adultes sont impliqués, la publicité complète sera rétablie.

Voilà donc notre futur tribunal pour enfans, en somme un tribunal ordinaire, spécialisé aux causes d’enfans. Quels seront ses pouvoirs ? Puisque c’est une juridiction pareille à toutes les autres, ces pouvoirs seront limités par le Code pénal et les lois existantes : il n’aura pas cette latitude presque absolue dont jouit le magistrat américain. Toutefois, la proposition de M. Deschanel lui accorde quelques attributions, quelques droits nouveaux.

D’abord, et c’est naturellement le but principal de la proposition, il pourra ordonner la mesure de la liberté surveillée ; légale jusqu’ici, mais par un détour de la pratique, cette épreuve excellente aura désormais qualité officielle et juridique. Il y a mieux. Depuis trois ans, elle n’était essayée que sous la responsabilité du patronage qui recevait la garde de l’enfant, et qui, — avec l’assentiment du tribunal sans doute, mais à ses risques et périls, — le rendait à la famille. A l’avenir, le tribunal, prononçant lui-même la mise en liberté surveillée, prend, en quelque sorte, la mesure à son compte. Par suite, c’est lui qui en règle l’exécution. Il désigne les inspecteurs, probation officers ; le président reçoit leurs rapports, et, non seulement par eux, mais directement, reste en contact avec, les enfans. Au bout du temps pour lequel la mesure a été prescrite, le tribunal statue de nouveau : il la confirme, la retire, la modifie ; même, sans attendre la fin de ce délai, le président, qui sait la conduite de l’enfant, peut le faire citer, si cela lui paraît nécessaire, pour qu’à la mesure déjà prise en soit substituée une autre « plus conforme à son intérêt. » Tout cela, on le reconnaîtra, est très judicieux ; sans rien changer à notre organisation judiciaire, M. Deschanel assure au tribunal spécial quelques-uns des avantages de la juvenile court, notamment celui d’exercer sur l’enfant une tutelle, et de