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consentira certainement pas. En résistant aux revendications japonaises fondées sur le texte même des traités, la Chine s’expose gravement. Le Japon ne menace personne, mais il se prépare, décidé à ne pas se laisser arrêter dans l’accomplissement de ses projets.

Serait-ce donc en Extrême-Orient l’apparition d’une nouvelle doctrine de Monroe ? Le Japon est-il dès maintenant assez fort pour jouer le rôle que les Etats-Unis s’attribuent en Amérique ? De l’avis général, le Japon est hors d’état d’agir, parce qu’il manque d’argent : en examinant la question de près, on s’aperçoit que c’est là une erreur. Quand le traité de Portsmouth a été signé, le bruit a couru que les Japonais étaient à bout de forces, et M. Witte a été taxé de faiblesse. Le général Liniewitch recevait des renforts. Il était fortement retranché. On affirmait que, dans un conseil tenu à Tokyo, en août 1905, le général baron Kodama aurait dit : « Il faut avoir 200 000 hommes de plus avec les renforts nécessaires, ou faire la paix dans les meilleures conditions possibles. » Admettons cette version : les Japonais pouvaient envoyer ces 200 000 hommes. Ils existaient dans les dépôts et avaient une instruction suffisante pour être mis en ligne. Ni les munitions, ni les vivres ne manquaient. Les points d’appui étaient organisés. Les obusiers de 11 pouces (28 centimètres) du siège de Port-Arthur avaient même été amenés. Les préparatifs pour une bataille dont l’envergure aurait dépassé celle de Moukden étaient poussés avec une telle abondance de moyens que, quinze mois après la signature de la paix, l’évacuation de ce matériel énorme n’était pas terminée. Pour des raisons trop longues à faire connaître, les Russes ne pouvaient guère espérer un succès. Une nouvelle défaite, avec des conséquences plus désastreuses encore que celle de Moukden, aurait eu un tel retentissement, que la révolution intérieure aurait pu prendre un développement des plus dangereux. On oubliait, en outre, qu’à Moukden, les Russes, de leur propre aveu, avaient perdu 156 500 hommes, savoir 26 500 tués, 90 000 blessés et 40 000 prisonnier.-. Les Japonais se sont arrêtés parce que leurs hommes d’État ont jugé nécessaire de consolider les avantages acquis avant de développer leur programme politique. Ils ne voulaient pas se faire de la Russie une ennemie irréconciliable, ni inquiéter l’Europe. D’autre part, ils redoutaient le triomphe de la révolution russe qui les aurait laissés sans gouvernement avec