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qui traiter. Une situation anarchique les eût obligés en outre à maintenir le pied de guerre en Mandchourie. L’argent ne manquait pas davantage, en voici la preuve[1]. Les emprunts pour la guerre souscrits à l’étranger se sont montés à 626 millions de yen, soit 1 milliard 615 millions de francs. Sur cette somme, il restait disponibles à Londres en 1905 au moins 300 millions de yen, soit 770 millions de francs en or. Cette somme y était encore à la fin de 1907, et il est probable qu’elle y est toujours disponible. Comme ceci est à l’encontre de l’opinion admise, quelques explications sur la situation financière du Japon sont nécessaires.

En 1868, lorsque la féodalité s’abolit elle-même, les finances de l’Etat étaient dans un désordre complet. Le Japon, qui jadis avait eu beaucoup d’or, s’en était vu dépossédé en grande partie par échange contre l’argent. Ce trafic avait procuré aux Européens des bénéfices énormes. Les daïmyos, manquant de métal, avaient émis du papier-monnaie. Il fallut que le nouveau gouvernement prît ce papier et le remplaçât par des valeurs à son nom. Ce fut une opération des plus délicates vu la difficulté de se procurer l’or nécessaire pour répondre de la valeur des bons émis. En 1870, le gouvernement envoya aux Etats-Unis le marquis Ito pour étudier le système financier. Le résultat fut la loi de 1872 sur les finances et l’organisation de quatre banques nationales. Cette loi dut être modifiée en 1876. Les difficultés financières s’augmentaient de ce fait qu’il fallait faire face à la dépense de 180 millions de yen (450 millions de francs) pour compenser l’abrogation des droits seigneuriaux et des pensions des samuraïs. La situation ne fit qu’empirer jusqu’au moment de l’écrasement de la rébellion de Satzuma en 1877. Alors le gouvernement prit résolument en main la direction de toutes les finances de la nation, exerçant son action sur les banques privées et ne permettant même pas au capital étranger de s’introduire dans une affaire dont il n’aurait pas le contrôle. La Banque nationale du Japon fut créée sur le modèle de la Banque nationale belge. Ses 150 000 actions furent souscrites par un nombre limité de personnes parmi lesquelles la Maison Impériale s’inscrivit pour 70 000, qui, aujourd’hui, sur le marché de Londres, valent 173 millions. Sous la brillante administration du ministre des Finances, comte Matzukata, la réserve métallique s’augmenta

  1. The Coming struggle, by B. L. Putnam Weale. London, 1909.