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brume me prennent. Je dois lutter avec mes mains, avec mes yeux. Mon appareil obéit docilement à ma pensée. Je le dirige vers la falaise, cependant que je ne vois plus Douvres. Ah ! diable ! où suis-je donc ? »

Pourquoi ne pas avoir emporté de boussole, pourrait-on dire ? En cette occurrence, en effet, elle eût peut-être servi ; mais, d’une façon générale, tout mouvement horizontal pouvant se décomposer en deux autres, l’un dans la direction du méridien, l’autre perpendiculairement, si la boussole donne bien la direction de la première composante, elle nous laisse ignorer la direction de la seconde, la dérive. Au-dessus de la terre » passe encore ! avec une carte bien faite, on s’en tire. Mais au-dessus de la nier !

Comme l’écrivait, il y a quelque jours, dans l’Eclair, un de nos officiers de marine, pour naviguer en toute sécurité et arriver en temps voulu à l’endroit voulu, il faut savoir à chaque instant non seulement où l’on est, mais encore dans quelle direction on se déplace et avec quelle vitesse. Ces trois élémens sont aisés à déterminer à bord d’un bâtiment, par le fait qu’on se trouve dans un milieu sensiblement immobile, l’eau. Les courans mettent bien un peu d’aléa dans le problème ; mais, sur les côtes d’Europe du moins, ils sont connus, indiqués par des cartes spéciales, et changent de sens régulièrement à chaque marée : il suffit d’en tenir compte pour corriger à bon escient les deux élémens, direction et vitesse, donnés par les instrumens usuels, le compas et le loch. Tout au contraire, l’aéroplane volant au-dessus de la mer se trouve dans un milieu extrêmement mobile, l’air, dont les mouvemens propres sont beaucoup plus rapides que ceux de l’eau : les grands vents atteignent 30 à 40 mètres à la seconde, tandis que les plus forts courans de pleine mer ne dépassent pas 2 à 3 mètres, — et l’aviateur n’a aucun moyen de mesurer la direction et la vitesse du vent qui l’entraîne. Quant à faire le point à son bord, ou à celui d’un dirigeable, c’est un problème non encore résolu. Résultat : l’aéroplane, au lieu de suivre une route correspondant à sa vitesse et à son cap, se déplace suivant la composante de sa propre vitesse et de celle du vent, cette dernière restant absolument indéterminée. Or, la vitesse d-u vent est loin d’être négligeable par rapport à la vitesse propre de l’aéroplane. Précisons, et voyons ce qui arriverait si, dans l’état actuel des choses, on voulait envoyer un