Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 53.djvu/207

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cette concession ne tarda pas à devenir une véritable ville : elle eut notamment ce qui, dans les idées des anciens, était l’élément primordial, l’âme même d’une ville : elle eut des temples. Les deux siècles qui suivirent la promulgation de la loi Icilia, furent marqués par l’introduction à Rome de cultes nouveaux, qui eurent leur siège sur l’Aventin, et qui contribuèrent puissamment à donner à ce quartier une physionomie originale.

De ces cultes, quelques-uns furent institués à la suite des guerres avec les populations voisines : tels ceux de Vertumne, de Junon Reine, de Diane. Vertumne était adoré à Vulsinies, Junon à Véies, Diane à Aricie, capitale de la confédération latine. Vulsinies et Véies une fois tombées sous les coups des légions, la ligue latine une fois obligée d’accepter la prééminence romaine, que faire de ces divinités, vaincues en même temps que les peuples qu’elles avaient protégés ? abolir leur culte ? C’eût été une offense à leur majesté, que les Romains étaient trop pieux pour commettre, et trop peureux aussi, car les dieux, même étrangers, même vaincus, conservaient encore la force de nuire. Laisser subsister leurs temples en pays ennemi aurait été une grosse imprudence politique. Il fallait donc amener à Rome ces dieux de l’Etrurie ou du Latium, mais pas à Rome même, car les divinités du dehors, pas plus que les hommes des autres nations, n’avaient le droit d’habiter dans l’enceinte sacrée. La montagne Aventine, hors de la ville, mais tout près d’elle, offrait un emplacement tout trouvé pour donner l’hospitalité aux Immortels annexés.

D’autres cultes, plus nombreux, ceux de Cérès, de la Bonne Déesse, de Mercure, de Flore et de la Lune, furent apportés par des négocians venus de l’étranger, principalement de la Grande-Grèce et de la Sicile. Ces négocians étaient des gens fort dévots. On sait que ce sont leurs confrères d’Asie-Mineure qui, dans leurs courses de cabotage, ont répandu par toutes les contrées méditerranéennes la religion de Vénus et d’Enée. Ceux qui venaient exploiter le marché de Rome, avaient, eux aussi, leurs rites, auxquels ils tenaient beaucoup, et leur premier soin, dès qu’ils le purent, dut être d’élever sur les bords du Tibre de petites chapelles à leurs divinités familières. Comment ces chapelles furent-elles remplacées par des temples ? comment ces dévotions privées furent-elles acceptées, adoptées même par le gouvernement romain, enrichies de jeux périodiques et de sacrifices