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V

Les principales difficultés, dans cette seconde phase de la crise, provinrent du fait du parlement. Déjà, dans la soirée du 3, les chambres s’étaient réunies, pour s’occuper de la situation. Il fut convenu qu’avant toute chose, le premier président se rendrait à Versailles, « pour pressentir les intentions de Sa Majesté. » Ce magistrat se mit en route dès l’aube et rencontra à mi-chemin un courrier de cabinet qui portait une lettre du Roi ; il lut les lignes que voici : « Je ne doute pas que le zèle de mon parlement ne le porte à agir dans les circonstances actuelles, pour remédier à des troubles dont je connais les causes secrètes. Comme je m’occupe sérieusement des moyens de les calmer, et que mon parlement pourrait contrarier mes vues, je désire qu’il ne s’occupe point de cette affaire, pour ne point déranger les opérations de mon conseil. » Le parlement fut mortifié du fond comme du ton de cette lettre. Aussi accueillit-il avec un vif mécontentement l’édit qui, pour juger les coupables de rébellion, instituait une cour prévôtale. Il refusa d’enregistrer, et rendit un arrêt qui contenait un blâme implicite. Après avoir décidé, en effet, contrairement à l’ordre royal, que les mutins seraient jugés par la « grande chambre, » le parlement plaidait ainsi la cause des révoltés : « Ordonne en outre que le Roi sera très humblement supplié de vouloir bien faire prendre de plus en plus les mesures que lui suggéreront sa prudence et son amour pour ses sujets, pour faire baisser le prix des grains et du pain à un taux proportionné aux besoins du peuple, pour ôter ainsi aux gens malintentionnés le prétexte et l’occasion dont ils abusent pour émouvoir les esprits. » L’arrêt, aussitôt placardé dans les rues et dans les carrefours, suscita une émotion vive dans la population. Les gens, écrit Hardy, « allumaient des bouts de chandelle » pour le lire dans l’obscurité, et les rebelles l’interprétaient comme un encouragement. L’agitation recommença ; on vit, dans les faubourgs, des « gueux » insulter les soldats et « leur cracher au nez » en signe de mépris.

Louis XVI, dans cet après-midi du 4, écrivit encore à Turgot[1]. On peut juger par ce billet des inquiétudes que provoquait,

  1. Le contrôleur-général passa à Paris une partie de la journée du 4.