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la demande faite, il y a longtemps déjà, d’une augmentation du cube des citernes destinées à fournir à nos chaudières l’eau douce de réparation. Cette question est une de celles qui divisent ingénieurs et mécaniciens. Ceux-ci, les praticiens, constatent que les citernes sont toujours insuffisantes : quand on a une longue traversée à faire, on remplit d’eau douce un certain nombre de cellules du double fond, ce qui a des inconvéniens au point de vue de la conservation des tôles. Ceux-là, les théoriciens, ne veulent entendre à rien : leurs calculs des pertes d’eau douce sont exacts ; le cube des citernes est établi là-dessus et, donc, nous avons tort... D’autant qu’il y a des bouilleurs, à bord, qui distillent l’eau de mer et peuvent, à eux seuls, réparer les pertes au fur et à mesure qu’elles se produisent. Oui, sans doute ; mais ces bouilleurs eux-mêmes sont insuffisans (les cuirassés américains ont des bouilleurs qui donnent deux fois plus d’eau douce) ; de plus, ils sont délicats, ils s’encrassent vite, et il faut toujours en avoir un sur deux en visite.

Voilà la querelle, fondée sur l’ordinaire désaccord des résultats d’essais officiels et de ceux du service courant.

De nos demander, poussées jusqu’au ministère, il y en a bien eu la moitié, environ, de rejetées. On affirme que nous sommes encore fort heureux, privilégiés même. Il s’en faut ; mais, certainement, ce que l’on nous a refusé, il faudra l’accorder plus tard, parce que c’est nécessaire. Et ça coûtera plus cher qu’au moment où le navire est encore en mains.

3 avril. — Je suis venu à bord par la « patache, » le coche d’eau de la direction des constructions navales, avec un jeune médecin de marine de ma connaissance qui avait affaire de nos côtés. Il me raconte que les ouvriers soignés à l’hôpital de la marine et à qui, la guérison obtenue, on propose de rester quelques jours chez eux pour se remettre complètement, n’ont garde d’accepter cette offre. Ils demandent qu’on les rende à leur travail : « Ah ! voilà qui est bien !... — Attendez, mon cher. L’un d’eux me dit un jour, sans artifice : Docteur, mettez-moi exeat. Je ne me fatiguerai pas. Le contremaître me casera dans un coin où il n’y aura rien à faire ; et j’aurai toute ma solde... » — A la bonne heure ! Et que de convalescens il doit y avoir à bord du d’Orvilliers !

Ceci me met en goût de causer avec ces braves gens. Justement, j’ai obtenu de Vaissière les noms des trois ouvriers les