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— Hé quoi ! 3 000 demandes, à Toulon seulement, pour partager un sort que l’on dit si misérable ?...

— Oui, monsieur, près de 3 000... Eh bien ! la plupart des candidats sont du pays, de la ville même, et appartiennent à des familles d’ouvriers ou d’employés de l’arsenal ; les refus d’admission ou d’embauchage font donc, ici, beaucoup de mécontens.

— Toujours l’opposition irréductible des intérêts particuliers à l’intérêt général !... Enfin, Vaissière, revenons-en à Décugis : ne pourriez-vous pas le proposer pour un petit avancement qui augmenterait sa solde ?... Il paraît si brave homme ! Et puis, bon travailleur, vous le dites vous-même...

— Heu ! heu ! c’est-à-dire... Bon travailleur, oui, assez ; mais pas très fort, pas très malin... Il y en a d’autres, vous comprenez... Et il faudrait voir encore de quand date son dernier avancement. J’en parlerai à M. l’ingénieur.

Bien : je la connais, cette phrase-là. Aussi, de quoi vais-je me mêler ? Je n’ai rien à faire avec le personnel des directions. Nous ignorons, c’est entendu, et nous devons ignorer les ouvriers. Seulement, sapristi ! ils ne nous ignorent pas, eux. Et comment se fait-il que dans leurs explosions de colère et de haine il soit question de nous bien plus que de leurs ingénieurs ?

19 avril. — Le commandant suit avec intérêt le montage des bastingages. Aujourd’hui, il a constaté qu’il fallait deux heures (je dis deux) pour percer cinq trous (je dis cinq) dans une tôle de 2 millimètres ; et comme il ne pouvait s’empêcher de remarquer à haute voix la lenteur de l’exécution de cette ligne de trous à laquelle on « travaille » depuis plusieurs jours, les ouvriers ont répondu qu’ils n’étaient là que d’aujourd’hui. Hier, c’étaient deux autres, Un tel et Un tel ; et peut-être n’étaient-ce pas ceux-là qui avaient commencé l’opération...

4 mai. — L’autonomie des directions ! Comme on nous a « mis dedans » avec cette affaire-là ! — Je m’en étais toujours méfié instinctivement, y sentant bien une nouvelle et forte poussée dans le sens de l’élimination de l’officier combattant (sous le couvert de celle du commissaire) de tout ce qui touche à la préparation de la force navale. N’est-ce pas, en effet, par une perte d’autorité sur les directions que se traduit, pour le préfet maritime, l’abolition de la surveillance qu’exerçait sur elles, en son nom, le commissariat ?

Eh bien ! aujourd’hui que je vois les résultats du système