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REVUES ÉTRANGÈRES




LE MARIAGE D’UN POÈTE ROMANTIQUE ALLEMAND




Briefwechsel zwischen Clemens Brentano und Sophie Méreau, 2 vol. in-16, publiés par M. Heinz Amelung, Leipzig, 1909.


S’il n’avait point plu à Beethoven de choisir pour sujet, — pour prétexte, — d’un de ses plus beaux lieds quelques strophes assez prosaïques de Sophie Méreau, personne assurément ne connaîtrait plus aujourd’hui le nom de cette pauvre femme, disparue dans l’oubli avec toute la troupe innombrable des autres « muses » de l’école romantique allemande. Mais il n’en allait pas de même aux dernières années de xviiie siècle, où les plus illustres poètes de l’Allemagne ne craignaient pas de prédire une gloire immortelle à leur jeune et charmante rivale, l’auteur de l’Âge de Floraison du Sentiment, de Kalathiskos, et de maints poèmes qui, depuis 1794, avaient enchanté ou ému les lecteurs de la Thalie et des divers Almanachs des Muses. Bien des jeunes gens qui avaient allégué à leurs familles leur désir d’entendre les leçons de Fichte ou de Schiller n’étaient venus, en réalité, étudier à léna que pour être admis à approcher la célèbre femme du professeur Méreau, célèbre à la fois par son génie, sa beauté, et son effort incessant à se consoler de son mariage. Car il va sans dire qu’une créature aussi profondément « romantique, » parfaite « fleur » de cet « âge de sentiment » qu’elle avait chanté, ne pouvait songer à être « comprise » de son mari, — avec cela professeur de droit, et plus âgé qu’elle d’une dizaine d’années, — ni, non plus, se résigner à laisser éteindre la flamme sacrée de passion qui brûlait en elle. De