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Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 53.djvu/639

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vive opposition, le projet de loi sur la flotte qui fut adopté le 12 juin 1900. L’Empereur le félicita ainsi : « Tu peux être fier de ton succès. Un code civil et le projet de la flotte, deux mesures aussi capitales pour le développement intérieur et extérieur de notre patrie, c’est plus que n’en a jamais signé aucun chancelier ! » Ce compliment était excessif. Trois mois après, le prince se voyant de plus en plus en proie à des difficultés de tout genre et l’objet d’inimitiés irréductibles, se décida, pour se retirer, à invoquer son état de santé précaire. Il avait cependant écrit quelque temps auparavant au baron Vœldernsdorff : « Au fond, je ne sens pas le besoin de me reposer ; » et à son fils, il confiait qu’il était « entouré d’intrigans » contre lesquels il devait se défendre à toute heure. A la fin, la lutte lui parut insupportable et il alla voir l’Empereur pour lui confirmer sa décision. « Je lui représentai la nécessité de me retirer, tant à cause de mon état de santé que de mon âge, et je vis à l’air parfaitement satisfait de l’Empereur que ma lettre de démission était déjà attendue, qu’il était donc grand temps de m’en aller. »

Il partait, non pas de son plein gré, comme il voulait le faire croire, mais parce que l’Empereur désirait confier à un plus jeune et plus hardi la redoutable charge de chancelier d’Empire. Une feuille officieuse, quelques jours avant son départ, avait fait entendre que le chancelier devait avoir non seulement la décision nécessaire, mais aussi le pouvoir de couvrir effectivement l’Empereur « avec une volonté entière et une large poitrine. » En parlant « d’un homme de froide raison et d’énergie souriante, d’heureux tempérament et de solide confiance en lui-même, » le journal désignait clairement le comte Bernard de Bülow, dont chacun vantait le talent oratoire et l’esprit souple et expérimenté, ainsi que l’estime incontestable que lui témoignait le souverain.

Lorsque le prince de Hohenlohe sortit du palais de la Wilhelmstrasse, Guillaume II lui envoya l’Aigle noir en brillans, accompagné d’une belle lettre de regrets, aussi belle que celle dont son successeur a été gratifié il y a quelques jours. Mais que lui importaient toutes ces paroles flatteuses ? Il en connaissait l’inanité. N’est-ce pas lui qui, dans ses derniers jours, écrivait à son fils Alexandre : « Chose singulière que la vie humaine ! Pendant cinquante et un ans on vit heureux et content, puis une fissure se produit qui détruit tout l’édifice. Et c’est pour cela