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l’opposition se sont également donné rendez-vous devant les électeurs ; et peut-être, en effet, n’y a-t-il rien de mieux à faire que d’y aller.

Sur le point particulier de savoir ce que doit faire la Chambre des lords, l’orateur le plus discret a été lord Rosebery à Glascow. Lord Rosebery a attaqué le projet de budget avec une grande véhémence, une grande hauteur de vues, une grande force de pensée. Son discours est certainement un des plus éloquens de sa longue carrière oratoire ; il a dénoncé le caractère révolutionnaire du budget ; il en a montré les conséquences néfastes non seulement pour les riches, mais pour les pauvres, et rien de tout cela n’a étonné dans sa bouche ; — mais il n’a pas donné de conseil à la Chambre des lords. Sans doute ce n’était pas à lui de le faire. Après avoir été le chef du parti libéral, son humeur indépendante l’a mis en marge de tous les partis ; il serait difficile de dire s’il appartient maintenant à celui-ci ou à celui-là ; à la veille de prononcer son discours, il a donné sa démission du club libéral dont il était membre, afin de reprendre toute sa liberté et de n’engager que lui par sa parole. Il ne pouvait donc pas donner un conseil qui aurait eu l’allure d’un mot d’ordre dans une question aussi délicate que celle de savoir ce que devait faire la Chambre des lords. Son discours a eu le caractère d’une grande consultation politique, mais voilà tout : il est lui-même en dehors de l’action. On attendait, non pas avec plus de curiosité, mais avec plus d’impatience, ce que diraient M. Asquith et M. Balfour, l’un, le chef du gouvernement, l’autre, le chef de l’opposition à la Chambre des communes. M. Asquith a pris la parole à Birmingham, ville manufacturière qui est toujours restée fidèle à la politique, ou plutôt, peut-être, à la personne de M. Chamberlain. M. Chamberlain, qui a été certainement un des hommes les plus actifs, les plus entreprenans, les plus féconds en idées, les plus agités, les plus agitateurs de l’Angleterre, est aujourd’hui hors de combat ; la vie intense l’a surmené, et sa santé a fléchi. M. Asquith ne devait pas le voir se dresser devant lui à Birmingham. Il s’y est rendu avec tous les ministres et une longue suite d’amis des deux sexes ; d’après les journaux, la manifestation a été très pittoresque ; elle a été d’ailleurs très éloquente. M. Asquith est un grand avocat et un orateur politique très exercé : ses adversaires disent toutefois qu’à travers l’orateur politique on retrouve toujours en lui l’avocat. Il a parlé à Birmingham avec beaucoup de force ; il a donné, en faveur du projet de budget, des argumens qui ne pouvaient plus être nouveaux, mais qu’il a présentés avec adresse ; enfin il a fait preuve de mesure et de goût, au moins par comparaison, en s’abstenant des exagérations de