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Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 53.djvu/860

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aucune époque, il n’a été plus unanime ni plus triomphant qu’aujourd’hui.

Cela surprend même les âmes croyantes. Nous sommes tellement habitués à entendre répéter autour de nous que la religion est morte, qu’elle n’intervient plus dans les affaires de ce monde, que ces lieux communs finissent par nous influencer à notre insu. Le Français, le Parisien en particulier, n’arrive jamais à se persuader sincèrement que ses idées et ses préjugés ne soient point la norme nécessaire de l’humanité. Si la religion fléchit chez nous et chez nos voisins, nous en concluons que cette défaite partielle se répercute à travers toute la planète. Ces conclusions hâtives témoignent, en tout cas, d’une psychologie bien mal informée. Pour ma part, je n’aurais pas cru, si je n’en avais eu les preuves vivantes sous les yeux, que le Christianisme occidental fût encore animé d’une pareille ardeur de foi et de prosélytisme. Ce que la Russie a tenté est quelque chose de colossal et qui force à réfléchir les esprits les moins avertis. Ses églises, ses hôpitaux, ses hôtelleries se dressent à tous les carrefours et dans tous les lieux historiques. Partout, ses prêtres et ses pèlerins vous barrent la route. L’Allemagne et les deux Amériques l’auront bientôt distancée. Ce que l’on rencontre d’Américains du Nord par les chemins de Palestine, surtout aux approches de Pâques ou de Noël, est inimaginable. Des caravanes entières descendent au Jourdain, pour s’y baigner au lieu probable du baptistère de saint Jean. Généralement, nos voyageurs français n’aperçoivent, dans ces endroits-là, que les bandes de l’agence Cook, probablement parce qu’ils suivent les mêmes itinéraires. Mais les touristes sont une minorité négligeable. Le gros des foules palestiniennes se compose de pèlerins, de croyans très graves et très convaincus.

Or l’Amérique en envoie, de beaucoup, le plus grand nombre. L’Allemagne vient ensuite. Elle inonde le pays de ses missions et de ses pèlerinages ; elle est non moins zélée à protéger ses Catholiques que ses Protestans. L’empereur Guillaume a posé de ses mains la première pierre de l’Eglise de la Dormition, qui domine le couvent des Bénédictins allemands. Lorsque j’étais chez les Dominicains de Jérusalem, j’avais sans cesse, devant la fenêtre de ma chambre, la vue d’une monstrueuse bâtisse en construction, véritable mastodonte de maçonnerie, dont la silhouette aplatie et trapue m’évoquait celle d’un cuirassé, avec