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Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 53.djvu/956

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Et maintenant, les Chambres vont reprendre leurs travaux, avec un horizon étroitement borné par la proximité des élections générales. On demandera à la Chambre de voter le budget et au Sénat de voter la loi sur les retraites ouvrières. Il est impossible aux yeux les plus perspicaces de voir plus loin dans l’avenir. Le discours de M. Briand restera comme un bouquet de bonnes intentions. Les mots qui en demeureront dans les mémoires sont ceux de détente et d’apaisement. M. Briand a constaté lui-même, en les répétant, l’impression profonde qu’ils ont faite dans le pays lorsqu’il les a prononcés devant la Chambre, et il s’en est montré à la fois heureux et préoccupé. C’est le double sentiment que nous en éprouvons nous-mêmes : nous avons eu déjà tant de déceptions !


Depuis quelques jours, les regards se sont tournés, de nouveau du côté du Maroc. Les développemens pris par l’expédition espagnole de Melilla n’ont certainement rien que de très normal et, quelles que soient les vues que l’on ait sur l’Afrique septentrionale, il n’y a aucune raison de s’en inquiéter ; mais tout le monde n’en a pas jugé ainsi, et la regrettable interview du général d’Amade est la preuve de la fermentation qui s’est produite dans les esprits. Ce n’est pas seulement en France que le phénomène a pu être constaté ; les mêmes appréhensions se sont manifestées dans d’autres pays, et notamment en Allemagne, avec plus de vivacité encore que chez nous. On s’y est demandé quels étaient les projets ultérieurs de l’Espagne ; on les a dénoncés sans les connaître et en quelque sorte par provision ; on a essayé sur tout de nous en effrayer et de provoquer, entre l’Espagne et nous, un dissentiment auquel nous ne nous sommes pas prêtés.

Rien n’était plus légitime dans son principe que l’intervention espagnole à Melilla : la seule question qui pouvait se poser était de savoir si elle était restée dans les limites que sa nature même lui assignait. Le gouvernement de Madrid avait donné spontanément, dès le début, les explications les plus rassurantes sur ce qu’il se proposait de faire ; il ne restait qu’à suivre les événemens, avec attention sans doute, mais avec confiance, car rien ne permettait de mettre en doute la parfaite bonne foi de nos voisins. L’expédition du général Marina a été très intéressante au point de vue militaire. Le plan en a été bien conçu et habilement exécuté. Le général Marina avait devant lui le massif montagneux du Gourougou, contrefort avancé du Riff, sorte de citadelle naturelle où l’ennemi pouvait se croire invincible et où il était effectivement très fort. On avait le choix