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et qui ont résolu le séduisant problème de récolter de larges prébendes leur permettant de ne jamais mettre le pied sur un navire, de coucher dans un bon lit, de se lever tard et de mener joyeuse vie sur terre, pendant que leurs protégés besognent sur mer et affrontent les tempêtes.

Il est surprenant que les inscrits, si indépendans et indisciplinés à l’égard de leurs patrons, ne fassent pas ces très simples réflexions et qu’ils obéissent au contraire aveuglément aux quelques meneurs qui, non seulement les trompent et les exploitent, mais travaillent cyniquement à la destruction de leur mère nourricière.

Il est aussi inadmissible qu’un gouvernement, quel qu’il soit, tolère de pareils procédés et qu’il ferme les yeux quand, par la simple application de la loi, il pourrait faire rapidement rentrer ces malheureux égarés dans l’ordre et mettre un terme aux difficultés intolérables au milieu desquelles l’armement se débat depuis dix ans.


II

Qu’est-ce, en effet, que la loi sur l’inscription maritime ? Quel en est l’esprit ? Comment est-elle appliquée et comment devrait-elle l’être ? Comment sont alimentées la caisse des invalides de la marine et la caisse de prévoyance ? Quelles charges en résulte-t-il pour le budget de l’Etat et pour l’armement ? Quelles sont les répercussions sur cette industrie des diverses lois sociales récemment votées par le Parlement ? Ce sont les questions que nous allons examiner.

La première et la principale des charges qui pèsent sur l’armement, dont toutes les autres dépendent pour ainsi dire, résulte du décret-loi du 21 décembre 1793, édictant que les officiers et les trois quarts de l’équipage doivent être français. Cet acte de navigation, imité de celui de Cromwell, interdisait, en outre, la francisation des navires construits à l’étranger et réservait à notre pavillon le monopole des transports entre la France et ses colonies.

Aujourd’hui, il ne reste de la loi de 1793 que la clause relative à la nationalité du personnel naviguant, mais cette clause suffit à mettre les armateurs français en état d’infériorité marquée vis-à-vis de leurs concurrens anglais, allemands,