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Il est bien difficile d’évaluer dès à présent les conséquences financières de la loi et de la sentence arbitrale, mais en fixant les nouvelles charges qu’elle entraîne à 10 millions de francs par an, on est certainement au-dessous de la vérité.

Si donc aux augmentations de salaires, aux heures supplémentaires, aux diminutions d’heures de travail résultant de chacune des grèves, on ajoute les charges de l’inscription maritime et autres qui proviennent des lois votées récemment par le Parlement, on arrive à un surcroît de charges considérable.

De plus l’exemple donné par les inscrits a été contagieux ; les dockers, employés au chargement et au déchargement des navires, qui sont des ouvriers ne jouissant d’aucun privilège, voyant que les inscrits obtiennent tout ce qu’ils veulent en se mettant en grève, ont adopté le même système. Nous en avons subi maintes fois l’application et, en ce moment, les dockers du Havre se sont mis en grève et exigent un salaire de six francs, avec la journée de huit heures. Après les dockers viennent les charbonniers, puis les charretiers, tous les corps de métier, en un mot, vivant de notre industrie. Les divers syndicats sont du reste en parfaite harmonie, se prêtent un appui dévoué et font mutuellement appel à la solidarité. Il en résulte que l’armement est traqué de tous côtés, que ses représentans dans les ports, journellement astreints à parer les coups qui leur sont portés, n’ont plus le temps matériel de s’occuper de leurs affaires et vivent dans un état permanent d’énervement et de cacophonie.

J’ai prié le secrétaire du Comité des armateurs de France de procéder à une enquête pour apprécier la somme totale approximative et annuelle représentée par les augmentations de salaires et l’application des lois sociales et le chiffre dépasse trente millions.

Or, comme les primes et compensations d’armement allouées à la marine atteignent 30 585 000 francs, on voit qu’on retire d’une main plus qu’on ne donne de l’autre et que l’effet de la loi organique de 1906 se trouve annihilé. Le but de cette loi ainsi que de celles qui l’ont précédée (janvier 1893 et avril 1902) avait été de faciliter le relèvement de la marine par une protection non déguisée, et je me demande si ce ne serait pas une des raisons inavouées des exigences des inscrits, dockers, etc. N’ont-ils point fait le raisonnement que, dès l’instant où l’armement bénéficiait de sérieux encouragemens, ils