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n’avaient pas à se gêner pour obtenir des avantages corrélatifs. — Nous savons, du reste, depuis longtemps que le régime de la protection est un dangereux engrenage et que, si l’on y met le doigt, le corps y passe tout entier.

Il n’y a plus alors à rechercher les causes du malaise dont souffre notre marine marchande : ce sont celles que nous venons d’énumérer et auxquelles il convient d’ajouter les rigueurs de notre tarif douanier, que la terrible Commission des douanes de la Chambre des députés semble vouloir encore majorer, et dont j’ai été un des premiers à signaler les désastreux effets à la tribune de la Chambre, dès 1892. Enfin l’insuffisance des dimensions et de l’outillage de nos ports de commerce est une dernière cause du malaise. Il n’existe, en effet, de grandes cales de radoub ni à Dunkerque, ni à Rouen, ni au Havre, ni à Marseille, et les travaux votés pour ces ports ont été conduits avec une telle lenteur qu’ils auront perdu, une fois terminés, la plus grande partie de leur effet utile.

Nous ne méconnaissons nullement le but humanitaire des lois sociales votées par les Chambres et sommes fort partisan de l’amélioration graduelle des conditions d’existence des marins à nos bords ; mais nous croyons que l’assimilation du travail à la mer au travail à terre est une dangereuse utopie. De plus, les Compagnies de navigation ne sont pas des œuvres de pure philanthropie. Elles ont à rémunérer les capitaux qui leur sont confiés, à procéder à d’importans amortissemens pour maintenir leurs flottes à leur véritable valeur et les renouveler. Un législateur prudent et avisé devrait donc veiller à ne pas charger leurs épaules d’un poids qu’elles sont incapables de supporter. Qu’il nous soit permis d’ajouter que la socialisation des compagnies de navigation et leur conversion en industries d’État, système vers lequel le Parlement semble s’orienter, ne facilitera pas la solution du problème, car, de toutes les industries, celle qui nous occupe réclame le plus de liberté et d’indépendance, conditions indispensables non pas à sa prospérité mais à son existence.

Enfin un mal dont souffre profondément notre marine marchande réside dans ce fait qu’elle dépend de quatre ministères et qu’auprès de chacun d’eux elle ne joue forcément qu’un rôle très secondaire.

Le ministère de la Marine a pour principal souci sa flotte de