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pour lui et sans s’exposer à des dommages-intérêts vis-à-vis de son patron, eût-il abandonné le travail dans les conditions les plus abusives. Cette thèse a toujours été condamnée par la Cour de cassation qui, dans plusieurs arrêts, a décidé que, même lorsque l’exercice du droit de grève est légitime, le gréviste ne peut pas se soustraire aux obligations qui, d’après la convention ou l’usage, découlent pour lui du contrat de travail passé avec son patron.

Il faut donc que ce droit de grève s’exerce dans des conditions qui ne soient pas abusives ; sinon le gréviste s’expose à des dommages-intérêts envers le patron lésé par la rupture illicite du contrat et le brusque abandon du travail. C’est ainsi que, lorsque d’après la convention ou l’usage, l’ouvrier ne peut quitter le travail sans préavis, il doit, à peine de dommages-intérêts, observer le délai de prévenance à l’égard de son patron, avant de se mettre en grève. A l’inverse, les mêmes principes seraient applicables aux patrons qui feraient la grève, connue sous le nom de lock out.

A un premier point de vue, il est donc certain que les inscrits maritimes qui, liés vis-à-vis d’une Compagnie de navigation par un contrat régulier, abandonnent brusquement et dans les conditions précisées plus haut, le travail et le navire sur lequel ils sont embarqués, font du droit de grève, à supposer même que ce droit leur appartienne, un exercice abusif et qu’ils s’exposent à une condamnation à des dommages-intérêts.

Voilà le premier point, celui qui est relatif à la loi civile et aux sanctions qu’elle comporte.

Mais il en est un second plus important encore, celui qui touche à la loi pénale et aux sanctions qu’elle établit. Comme nous l’avons vu, les articles 65, 66 et 67 de la loi du 15 avril 1898 portant modification du décret-loi disciplinaire et pénal du 24 mars 1852 relatif à la marine marchande, édictent des pénalités d’emprisonnement contre les gens de mer qui, dans un port de France, des colonies ou de l’étranger, désertent le navire ou le laissent partir sans se rendre à bord. Les compagnies d’armement, en cette matière, n’ont pas le droit de citation directe ; elles ont donc déposé entre les mains de l’autorité compétente des plaintes contre les inscrits qui, liés vis-à-vis d’elle par un engagement régulier, ont déserté leur poste et abandonné le navire prêt à partir.