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dresser le catalogue des énigmes qui défiaient la curiosité des hommes il y a vingt-cinq ans. C’est une cohue, une bousculade de problèmes qui roulent, pêle-mêle, les uns sur les autres, dans un désordre voulu et ironique, énormes ou minuscules, poignans ou grotesques, ceux qui s’évaporent eu un éclat de rire et ceux que les siècles ne résoudront pas. Mais tous les articles recueillis dans le volume intitulé Without Prejudice (un grand nombre ont vu, d’abord, le jour dans la Pall Mall Gazette) sont loin d’être aussi heureux. Écrire sur des riens, fournir, à jours fixes, de la fantaisie, de la gaîté et du paradoxe, ce sont là des tâches qui ne sauraient convenir longtemps à un esprit avide de véritable action intellectuelle et on sent qu’il y avait des jours, — ces jours-là devenaient plus nombreux à mesure que le temps s’écoulait, — où le jeune écrivain était las de son métier. Et pourtant, M. Zangwill n’en avait pas fini avec les années de servitude. Ne fallait-il pas, pour devenir le maître du public, devenir d’abord son favori en lui offrant les produits littéraires dont il est friand ? Or, que demande le public anglais ? De l’humour à la Pickwick. Mysticisme, réalisme, esthétisme, toutes les autres marchandises de notre boutique répondent à des goûts artificiels et adventices qu’on lui impose et qu’il subit par genre, par décence, par mode.

En six ans, M. Zangwill n’était pas certain d’avoir avancé d’un pas dans la faveur de ses contemporains lorsqu’un libraire, dans la boutique duquel il était entré, pour je ne sais quelle affaire insignifiante, lui offrit de collaborer à une série de romans humoristiques en préparation. M. Zangwill accepta cette proposition et apporta au libraire, quelques semaines plus tard, le manuscrit du Bachelors’Club.

Voici, en substance, la donnée de ce livre que Tau leur a fait le plus extravagant qu’il a pu. Douze célibataires ont fondé une association en s’engageant, par serment, à ne jamais prendre femme. Or, nous les voyons succomber les uns après les autres et se marier en dépit de leur serment. Chaque chapitre forme une petite nouvelle qui nous raconte la chute d’un des douze apôtres du célibat. Vous devinez, peut-être, que chacune de ces histoires est une histoire d’amour, mais vous devinez mal, car ce serait trop simple et rien ne doit être simple dans ce livre. L’humour n’est-il pas un perpétuel défi au sens commun ? M. Chesterton, qui s’y connaît, l’a défini à sa manière dans un