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livre qui a eu trop de succès, The Napoleon of Notting Hill, lorsqu’il nous a montré un roi humouriste, qui est en même temps le roi des humouristes, marchant sur la tête dans Hyde Park, M. Zangwill a prouvé qu’il pouvait marcher sur la tête tout comme un autre et mieux qu’un autre, mais je suis convaincu qu’il préfère l’attitude ordinaire.

Je prends une phrase au hasard dans un des plus ingénieusement absurde de ces récits : « Nous lui demandâmes la permission de rester. — Impossible ! répondit-elle. — Donc, nous restâmes. » Tout l’esprit du Bachelors’Club est dans ce donc étourdissant.

Pas un seul des vieux garçons du Club ne cédera à l’Amour ; mais tous seront poussés, contraints au mariage par quelque raison baroque et saugrenue. L’un, qui est critique dramatique, reçoit deux fauteuils pour les premières et se marie afin d’éviter la fatigue cérébrale que lui donne l’effort de trouver un titulaire au second fauteuil ; un autre, pour échapper au ridicule d’avoir pour oncle un baby âgé de trois ans, épouse la tante de ce baby ; il devient ainsi l’oncle de son oncle et son propre grand-oncle. Un autre épouse sa cuisinière qui lui fait une cuisine exécrable, mais qu’il ne veut ou ne peut renvoyer. Une fois maîtresse de la maison, elle sera obligée de prendre, à son tour, une cuisinière et n’approchera plus de ses fourneaux. Le trésorier du club, qui est un économiste, entêté de statistique et de chiffres, se marie pour démontrer, pratiquement, que le budget d’un homme marié est toujours plus lourd que celui d’un garçon : à quoi il ne réussit point, parce qu’il a, sans le savoir ou en feignant de n’en rien savoir, pris pour femme une riche héritière qui acquitte en secret les notes de la communauté avec ses revenus personnels. Le secrétaire est un poète qui prétend faire ce que personne n’a jamais fait avant lui. Pour réaliser ce beau rêve, il n’imagine rien de mieux que de se marier sans aucun motif. Ainsi va se dissolvant le club des célibataires. Le président resté seul sur la brèche est convaincu de bigamie, ou à peu près ; il n’a fondé le club que pour dérouter les soupçons et s’abriter dans cette forteresse contre les poursuites de ses deux femmes.

Au milieu de ces folies sont jetées des pages, éblouissantes de style et d’ironie, qui cachent beaucoup de bon sens et d’observation vraie sous leur exagération satirique et qui éclairent certains aspects de la vie sociale ou des mœurs littéraires. Ce sont des documens sous une forme caricaturale.