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Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 54.djvu/799

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prépondérance dans l’Adriatique. La récente manifestation du général Asinari di Bernezzo à Brescia a été officiellement désavouée par le gouvernement, mais elle a traduit tout haut ce que, dans l’armée et dans une bonne partie du public, chacun pense tout bas. Ici encore, il y a, pour l’avenir, sujet d’appréhensions.

Ressentimens austro-russes, antipathies austro-italiennes donnent à l’entrevue de Racconigi tout son sens et toute sa portée. On y a parlé, entre très hauts personnages, des questions balkaniques ; rien n’a été écrit, mais on a été d’accord sur le principe d’une politique de statu quo et d’expectative. Dans le train qui emportait, entre Modène et Chambéry, le Tsar, M. Isvolski et M. Pichon, le même sujet a été abordé, avec le même esprit. Et voici que, dans la péninsule, M. Pachitch se félicite publiquement de l’entrevue de Racconigi et que le tsar des Bulgares, se souvenant à propos de son goût très vif pour les plantes des hautes montagnes, vient faire une ascension en Serbie ; il y rencontre le prince héritier ; des paroles cordiales sont échangées. Quelques semaines plus tard, le roi Ferdinand visite à Belgrade le roi Pierre. Un rapprochement se prépare entre les deux pays : il suffit, pour en apprécier toute l’importance, de se rappeler le rôle de la Bulgarie dans la crise bosniaque.

En Turquie la déposition d’Abd-ul-Hamid n’a pas terminé la Révolution. Le plus difficile n’est que commencé : l’organisation du régime nouveau, la réalisation des prémisses incluses dans la proclamation de la Constitution. Les Jeunes-Turcs font de louables efforts, mais ils ont devant eux une tâche difficile qu’ils ne sauraient achever en un jour. Ils se heurtent à une double résistance : résistance des masses, ignorantes et routinières, aux réformes hâtives ; résistance des élites, saturées d’abstractions, à la leçon des faits. C’est encore, pour les grandes puissances, une question de savoir si le nouveau régime parviendra à s’établir solidement en Turquie, ou si, au contraire, il précipitera l’Empire ottoman dans une série de crises qui rouvriront la question d’Orient. Dans ce doute, qui pour les uns est une crainte et pour les autres une espérance, les États européens préparent leurs moyens d’action et orientent leur politique.

Mésintelligence entre l’Autriche et la Russie, rivalité entre l’Italie et l’Autriche dans l’Adriatique, avenir de la Jeune-Turquie, c’est en fonction de ces trois séries de faits, d’ailleurs