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libre, je puis vous assurer, Monseigneur, que nous ne trouvons point de plus grande liberté que dans les doux liens qui nous attachent à Dieu dans notre état. Soyez persuadé que nous offrons sans cesse nos vœux au Seigneur pour qu’il répande ses bénédictions sur les représentans de l’auguste Assemblée, qui sont les libérateurs du peuple français, et qui seront les nôtres, s’ils nous conservent dans notre état, bonheur que nous désirons de tout notre cœur et que nous sommes prêtes de signer avec notre sang, s’il le fallait. » Saintes filles qui donnent du Monseigneur à Treilhard, qui s’essayent à parler le langage du temps et traitent même les députés de libérateurs du peuple français ! Ces formules visent au succès de leur demande, à la sauvegarde d’une vocation qui leur est plus chère que la vie.

Les Carmélites que nous venons d’entendre ont parlé surtout de leur bonheur, des délices que l’Epoux céleste leur fait goûter dans leur solitude. Celles du couvent de Pamiers s’attachent particulièrement à affirmer qu’avec le bonheur elles trouvent dans le cloître la liberté qu’elles désirent, la liberté de l’âme, d’une âme maîtresse d’elle-même par la renonciation au monde. « Non, disent-elles à la Constituante, ne nous regardez pas comme des esclaves. La servitude n’est point faite pour des âmes qui ont rompu les chaînes dont les mondains gémissent. La soumission et l’obéissance sont adoucies par tant d’onction et de charité qu’il nous est infiniment plus doux d’obéir que de faire notre volonté… Il y a dans notre communauté des professes de cinquante à soixante ans, à qui cette longue durée ne paraît qu’un instant. Nous vivons dans une concorde délicieuse… et comme nous n’avons qu’un cœur et qu’une âme…, dans la pratique austère de l’abnégation nous goûtons le centuple que Jésus-Christ, notre adorable époux, a promis à ses disciples. » Quelle défense des vœux religieux ! Quel contraste entre cette affirmation du bonheur, de la liberté trouvée dans l’obéissance, et le besoin d’émancipation humaine, d’attrait vers le dehors que nous avons rencontré chez tant de moines d’alors !

Il semble, qu’après avoir entendu les Carmélites, tout langage doive paraître froid. Et cependant, les autres religieuses tiennent à dire leurs sentimens, et trouvent pour les exprimer des paroles enflammées. Les Sœurs de la Visitation demandent de « vivre et mourir dans l’état saint et heureux que, disent-elles, nous avons embrassé sans contrainte, que nous exerçons avec