avec joie que la conduite publique d’Arnim coïncidait désormais avec les assurances de Brassier de Saint-Simon : les deux ministres de Prusse s’affichaient enfin, l’un et l’autre, comme les amis de l’Italie.
Peut-être le Cabinet de Florence aurait-il été moins rassuré, s’il avait su très exactement ce qui se passait à Versailles. Bismarck assurément désespérait de trouver dans la question romaine un moyen d’engager au service de la Prusse la diplomatie d’Antonelli ; mais en dépit de cette déception, il ne pouvait oublier que cette question continuait de passionner les catholiques allemands. Ces catholiques continuaient d’écrire, de protester, de venir à Versailles. Le 8 février, on voyait arriver une députation des chevaliers de Malte : « Mes sentimens pour le Pape sont toujours les mêmes, leur répondait Guillaume ; je vois dans l’occupation de Rome un acte de violence, une usurpa-lion de la part de l’Italie ; il faut attendre, voir l’Italie à l’œuvre, savoir comment elle garantira la liberté du Pape ; je suis prêt à m’associer avec les autres princes pour des démarches, mais seulement quand la guerre sera finie. » Les chevaliers partaient contens. Il y avait de l’espoir, aussi, dans l’âme de Bonnechose, l’archevêque de Rouen, lorsque, du 13 au 16 février, il entretenait Bismarck, Guillaume, et le grand-duc de Bade. Il leur apportait un rêve de remaniement européen, en vertu duquel l’Allemagne rétablirait la péninsule italique dans son ancien état, et puis, partout en Europe, materait la Révolution. De bonnes paroles saluaient ce grand projet : de l’audience de Guillaume, Bonnechose emportait la conviction que l’Empereur se croirait obligé de faire quelque chose d’efficace pour donner satisfaction au monde catholique. Bismarck lui disait : « Pour l’heure, nous ne pouvons attaquer l’Italie, et nous ne ferons jamais tuer, pour le Pape, des Allemands protestans ; mais d’autres moyens se présenteront pour appuyer le Pape et pour le faire triompher. »
Il est possible que Bonnechose, en reproduisant la pensée de son interlocuteur, l’ait accentuée, inconsciemment, dans le sens où tendaient ses propres désirs ; il est possible, aussi, que Bismarck, évidemment flatté, lorsqu’un homme d’Eglise s’abouchait avec lui, ait pris un plaisir, nullement compromettant, à caresser ses oreilles par d’habiles formules, qui fomentaient l’espoir et ajournaient l’échéance. Mais un fait subsiste : c’est