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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 55.djvu/432

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ÉGLOGUE MARINE


Peuple ta solitude immense de beaux rêves.
Que ton seuil, sur le cap qui domine des grèves
Où meurent en chantant mille flots peints d’azur,
Offre à celui qui souffre et pleure un abri sûr.
Que ton haleine au dur roseau, bien qu’inexperte,
Pour charmer les vaisseaux qui volent à leur perte,
Suspende une harmonie enfantine et, qu’avec
L’antique vision du promontoire grec
Où s’écoule humblement ta destinée heureuse
Et de l’anse que sous tes pieds la lame creuse,
Le passager du moins garde en ses yeux ravis
L’horizon de lumière et de grâce où tu vis.
Suis longtemps d’un regard de pitié le sillage
Ecumant de la nef rapide qui voyage
Et qu’à d’obscurs écueils, par les soirs orageux,
Brise la mer farouche en ses terribles jeux.
Et songe qu’il vaut mieux guider, la flûte aux lèvres,
Au milieu des rochers les vagabondes chèvres
Qui, cependant que d’airs simples tu les émeus,
Te donnent à l’envi leurs fromages crémeux,
Que de tenter, parmi les clameurs et les haines,
Une inutile gloire et des fortunes vaines…


L’OISELEUR


Toi qui, dans les halliers glissant comme un reptile,
Tends de souples réseaux d’une façon subtile
Et sais cacher un piège avec sagacité ;
Enfant qui, par la chasse et la course excité,
Guettes sournoisement la fine bestiole
Si loin des logis clos où l’écolier s’étiole,
Cesse le jeu cruel que tu crois innocent ;
Car peut-être avec la même adresse enlaçant
Les cœurs pris à ta grâce et captifs de ton charme,
Plus tremblans que l’oiseau prisonnier qui s’alarme
Soudain privé du vaste espace hasardeux
Et regrette son nid naguère étoile d’œufs,