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Mais si jamais les suffragettes s’en mêlent, qu’est-ce que ce sera, grand Dieu ! On m’assure aussi qu’il y a progrès, sur le temps où l’on jetait des œufs pourris à la tête des candidats. « Les injures ont remplacé les œufs pourris, » a dit spirituellement lord Curzon à Brighton. Mettons qu’il y ait progrès, mais il en reste à faire.


Lundi, 10 janvier 1910.

J’ai mis hier à profit le repos d’un dimanche anglais où il n’y a pas eu de meeting pour apporter un peu d’ordre dans mes idées, les classer en quelque sorte et me résumer à moi-même mes impressions de ces quatre jours.

Le résultat probable des élections demeure à tous les yeux, même de l’avis de ceux qui sont le mieux renseignés, extrêmement incertain. Chaque parti a, dans chaque circonscription, une sorte d’agent général, car l’organisation des partis est merveilleuse ici, aussi bien du côté conservateur que du côté libéral, et je regrette bien de ne pas avoir le temps de l’étudier, car elle pourrait nous servir de modèle. On me dit que, dans je ne sais quelle circonscription, l’agent conservateur a prédit le succès du candidat libéral, et l’agent libéral le succès du candidat conservateur. C’est dire à quel point la situation est confuse. De l’avis général, les chances des Unionistes paraissent plus grandes depuis quelques jours. La cote des paris en leur faveur a remonté, car, suivant une habitude très anglaise, on parie, et, dans plus d’un meeting, j’ai entendu des orateurs proposer de déposer le montant de l’enjeu. Ce qui a déterminé la hausse de la cote, c’est que, durant ces derniers jours, plusieurs libéraux ou même radicaux notoires ont déclaré leur intention de voter pour les Unionistes, les uns pour telle raison, les autres pour telle autre. La lettre de lord Roseberry, qui avait cependant conseillé aux Lords de voter le budget, a produit aussi plus d’effet que je ne pensais. La situation de l’homme, le premier orateur de l’Angleterre, me dit-on, demeure considérable.

Ce qui rend la situation si incertaine et si confuse, c’est la complexité et la variété des questions sur lesquelles les électeurs anglais sont appelés à se prononcer en même temps. Habituellement, en temps de crise politique surtout, les élections se font sur une question bien déterminée. Aujourd’hui, je n’en aperçois pas moins de quatre que je voudrais distinguer.