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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 55.djvu/573

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La première, non pas en importance peut-être, mais en date, car elle a été la première soulevée, est la question constitutionnelle. On sait comment elle se pose. Les Lords ont rejeté le budget, ce qui était contraire, non pas précisément à la Constitution, car il n’y a pas de constitution écrite, mais aux précédens, la Chambre des Communes ayant seule, par un usage immémorial, le droit de disposer des finances du pays. Aussi les Libéraux, et surtout les radicaux, appuyés par le Labour Party, sont-ils partis en campagne contre la Chambre des Lords avec la violence que l’on sait, les uns demandant la restriction de ses pouvoirs, les autres sa suppression. Mais à cela les Lords, par la bouche de lord Lansdowne, de lord Curzon et d’autres encore, répondent fort habilement qu’ils n’entendent pas se substituer aux Communes dans les questions de finances, mais qu’ils n’ont pas voulu voter un budget qui était, suivant l’expression de lord Roseberry, une révolution, avant que le peuple n’eût été appelé à se prononcer, et à dire si vraiment il voulait ce budget. Réduire la Chambre des Lords à n’être qu’une Chambre d’enregistrement, à plus forte raison la supprimer, serait établir le gouvernement d’une seule Chambre, c’est-à-dire la tyrannie parlementaire, ou plutôt la tyrannie du gouvernement, car un Cabinet mal inspiré peut faire voter à une Chambre docile des mesures contraires non seulement aux intérêts, mais à la volonté du pays. Les champions des Lords rappellent très opportunément que Gladstone avait fait voter le Home rule par la Chambre des Communes, que la Chambre des Lords l’a rejeté, et que le pays a donné raison à la Chambre des Lords. Sans doute, disent-ils, il faut que la volonté du peuple triomphe, mais il faut pouvoir en appeler au peuple mieux informé, et la Chambre des Lords n’a rien fait d’inconstitutionnel en provoquant une consultation du pays devant la volonté nettement exprimée duquel tout le monde s’inclinera.

À ce point de vue, les Lords sont sur un bon terrain, mais le point faible, c’est que tout le monde est d’accord que l’organisation et le fonctionnement actuel de la Chambre des Lords prêtent à de nombreuses critiques. M. le Comte de Paris, qui connaissait à merveille les choses de l’Angleterre et qui s’en entretenait souvent avec moi, avait une grande admiration pour la Constitution anglaise ; mais il répétait avec insistance que, dans le fonctionnement de la. Chambre des Lords, certaines choses n’étaient