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une lettre rendue publique, il a fait un grand éloge de leur race. Des lettres courtoises viennent d’être échangées entre lord Rothschild et lui. De quel côté est la plus grosse partie de ce très petit bataillon ? Encore une inconnue.

On voit que les inconnues ne manquent pas, et l’on comprend qu’un pauvre étranger, en Angleterre depuis cinq jours, soit embarrassé de prédire quand les Anglais de sens rassis vous disent qu’ils ne savent que penser. Aussi m’en abstiendrai-je.

Ces questions si diverses commencent à surexciter les passions. Les esprits s’échauffent. Il y a eu des coups échangés, des œufs pourris jetés dans certaines réunions ; mais cela est sans importance, les meetings populaires anglais ayant toujours été un peu grossiers. Ce qui est plus grave, c’est que le ton des polémiques entre hommes politiques appartenant parfois au même monde et au même milieu est beaucoup moins courtois qu’il n’est habituellement, m’assure-t-on. De regrettables attaques personnelles se sont produites ; beaucoup de Lords ont été pris à partie dans leur vie privée. On a, dans une réunion libérale, parlé avec dureté de M. Chamberlain, disant qu’il était incapable même de comprendre et de signer les lettres qui paraissaient sous son nom. Son fils Austen a répondu en parlant de mensonge. Les familles sont divisées entre elles ; les conversations dans les châteaux ou les dîners en ville deviennent difficiles. Il est temps que cela finisse, et il y en a encore pour la semaine et même au-delà, car si les premières élections ont lieu le 15, les autres s’échelonneront pendant la durée du mois.

Officiellement, le Parlement n’a été dissous que cet après-midi par une proclamation du Roi, « qui a jugé convenable (fit) de le faire et qui a plaisir à convoquer un nouveau Parlement pour s’entourer des avis des représentans de la nation. » Je ne sais pas si la dissolution de l’ancien Parlement et la convocation du nouveau ont causé tant de plaisir au Roi, mais c’est la formule officielle. Cependant, nul n’a le droit de dire qu’il penche d’un côté ou d’un autre. Son attitude est d’une correction parfaite. Unionistes et Libéraux sont d’accord pour lui rendre cet hommage. Des libéraux, inclinant fort vers le radicalisme, m’ont dit que toute trace de sentimens républicains avait disparu en Angleterre depuis la mort de Bradlaugh, et que jamais le sentiment monarchique n’y avait été plus fort. La personne du Roi y est pour beaucoup.