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contre la transportation. C’est encore l’expérience qui doit décider pour la cellule prolongée. Seulement, il faut la voir là où elle est pratiquée comme elle doit l’être, et il faut surtout l’y regarder de près.


J’avais visité, il y a environ dix-huit ans, la prison centrale de Louvain, et j’en avais longuement parlé dans un de mes livres. J’avais fait ressortir la facilité avec laquelle des condamnés finissent par supporter quinze ou vingt ans, — quelquefois plus, — de vie cellulaire. A la vérité, s’ils sont rigoureusement séparés des autres criminels, ils ne le sont pas des honnêtes gens qui les visitent, qui leur distribuent leur travail, qui écoutent leurs réclamations, qui leur accordent leurs conseils pour les relations qu’ils ont encore avec leurs familles. J’avais compté que chaque détenu est au moins cinq à six fois par jour en contact avec des supérieurs à qui la discipline rendue incomparablement plus facile permet de se laisser aller au naturel, à la bienveillance, à la familiarité même, bref, à la sociabilité ordinaire d’un homme avec un autre homme. J’avais noté que tout au plus remarquait-on chez les très anciens une sorte d’apaisement enfantin, mais sans rien qui pût faire croire à l’imbécillité ou à la folie. J’avais constaté qu’appelés tous au bout de dix ans à choisir entre la continuation de ce régime et l’envoi dans une prison en commun, presque tous voulaient rester ou bientôt revenir à la prison cellulaire. Une autre visite faite il y a quatre ans m’avait laissé les mêmes impressions ; mais elle avait été courte. J’ai voulu, cette fois, revoir plus à fond, pendant un certain nombre de jours, le logis et ses hôtes, et profiter ainsi de ce qu’une haute bienveillance me permettait de recueillir, tant auprès d’un personnel éprouvé que des prisonniers eux-mêmes, car je pouvais causer avec eux sans témoins, après avoir étudié leurs dossiers.

Depuis dix-huit ans, rien n’a bougé, et plusieurs de ceux que j’avais pu y voir à ma première visite y sont encore. Il n’y a eu aucune épidémie, point de cas de folie pénitentiaire, très peu de suicides ou de tentatives de suicide ; dans les quatre dernières années, deux tentatives arrêtées à temps, et deux qui ont abouti. Quelles sont les prisons en commun et les bagnes qui en offrent moins ? Il y a ici cependant 557 détenus (un peu