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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 55.djvu/832

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plus, nous en avons l’espoir, ni sous aucun prétexte ni sous n’importe quelle forme. » Cette phrase s’accrochait, docilement, aux lignes impériales qui promettaient respect à l’indépendance des Etats ; mais elle tirait de ces lignes une conséquence pratique, et ce que voulait dire Lasker, c’est que pour l’Empire allemand, il ne devait plus y avoir de question romaine. Ledochowski, les chevaliers de Malte, Bonnechose, et puis, à la date du 18 février, cinquante-six membres du Centre prussien, avaient prié l’Empereur et Bismarck de songer au Pape ; l’Empereur et Bismarck, accentuant chacun à sa manière la même réponse vague et dilatoire, avaient dit uniformément : Ce sera pour le lendemain de la guerre. L’échéance était venue, et les premières paroles impériales donnaient prétexte au Reichstag de signifier au Pape, implicitement, qu’il n’avait pas à compter sur l’Allemagne. On voulait employer, à cette fin, une de ces formules générales, dont ensuite la diplomatie risquait elle-même d’être gênée, et dont elle dut, au reste, peu de mois après, s’affranchir à demi, lorsqu’elle crut devoir intervenir pour les Israélites de Roumanie[1]. Le Centre proposa un contre-projet d’adresse, d’où cette formule était absente : pour le fond et pour la forme, avouait la Gazette d’Augsbourg, ce contre-projet était supérieur à celui de la majorité, et vraisemblablement il eût été accepté, si l’on n’avait pas craint des visées cléricales mystérieuses. Le Reichstag n’avait encore que trois jours d’existence, et s’annonçait singulièrement turbulent, comme toutes les assemblées où les partis se demandent compte, non de leurs pensées avouées, mais de leurs arrière-pensées, supposées ou réelles.

Interprète pondéré des nationaux-libéraux, Bennigsen soutint que, pour « dissiper les inquiétudes de certaines nations étrangères, » la phrase incriminée était nécessaire. Miquel, plus audacieux, précisa : il nomma le Pape ; on avait rêvé d’une Allemagne intervenant en sa faveur ; cette Allemagne devait répondre non. Le nom de Rome, celui de Pie IX, surexcitaient les nationaux-libéraux, ceux du Sud surtout. Vœlk, de la Bavière, annonçait un prochain combat de l’esprit germanique contre le servage du romanisme ; Rœmer, du Wurtemberg, résumait en

  1. Sur l’origine et les disgrâces de l’idée d’intervention au XIXe siècle, on trouvera d’excellentes pages dans la belle synthèse d’histoire que M. Charles Dupuis a publiée sous ce titre : Le principe d’équilibre et le concert européen de la paix de Westphalie à l’Acte d’Algésiras. Paris, Perrin.