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la première campagne révolutionnaire de David Lloyd George.

Vers ce temps, éclata la guerre franco-allemande. Je n’ai besoin de questionner personne pour savoir quel jugement l’enfant entendit prononcer à ce sujet dans l’échoppe du cordonnier-pasteur. C’était Dieu qui punissait par des bras protestans cette France, gâtée par la fortune et corrompue par le succès. Certes, la guerre était chose détestable en elle-même ; pourtant, ne lisons-nous pas dans la Bible que Dieu, en plus d’une circonstance, fit passer par ses lévites au fil de l’épée toute une population infidèle, vieillards, femmes et enfans : après quoi, « il vit que c’était bon ? » Les baptistes de Llanystumdwy inclinaient à croire que la guerre de 1870 était une de ces circonstances-là. C’est pourquoi le futur chancelier de l’Echiquier donna le nom de Bismarck au chien qui l’accompagnait et qui l’aidait dans ses braconnages, et de la date cette sympathie pour les Allemands qui s’est bruyamment manifestée et qui a trouvé récemment de nouveaux alimens dans une tournée mémorable : sympathie qui ne laisse pas d’étonner, car M. Lloyd George est le moins Teuton des hommes et par sa nature physique et morale, par toutes ses affinités, par la nature de ses dons oratoires, par ses lacunes et par ses excès comme par ses plus belles facultés, il est bien plus près de nous que de ses amis d’outre-Rhin.

Quand vint l’heure de choisir une carrière pour son neveu, l’excellent Richard Lloyd redoubla ses efforts dévoués. Il songeait pour le jeune homme à la profession ecclésiastique ; mais, comme on l’a vu, dans la secte à laquelle ils appartenaient, les fonctions de pasteur n’assurent pas l’existence matérielle de celui qui les exerce. Par un raisonnement aussi mal conçu que bien intentionné, on le fait dépendre de sa clientèle pour le rendre indépendant de sa congrégation, alors que la congrégation et la clientèle ne font qu’un. Si le jeune David avait annoncé une vocation ecclésiastique, il eût été, selon toute probabilité, intercepté, accaparé, monopolisé par l’Eglise établie qui lui aurait ouvert la carrière des honneurs, et nous le verrions, peut-être, assis au banc des évêques dans cette Chambre des lords qu’il insulte aujourd’hui en termes si violens et, parfois, si comiques.

La voie étant fermée de ce côté, le rêve de M. Richard Lloyd dut céder devant celui de Mrs George qui souhaitait ardemment de voir son fils homme de loi : sans doute parce que la loi, après