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l’église et l’armée, a le privilège de « faire le gentleman. » M. Lloyd, non content de consacrer toutes ses ressources pécuniaires à l’éducation juridique de son neveu, étudia le droit et apprit le français, pour se faire son répétiteur. C’est, sans doute, vers cette époque, que M. Lloyd George lut l’histoire ancienne de Rollin, soit dans le texte, soit dans une traduction. Peut-être s’étonnera-t-on de trouver notre vieux Rollin conspirant, avec Macaulay, Carlyle et Ruskin, vers la fin du XIXe siècle, à l’éducation d’un démagogue anglais. Mais, après tout, nos vieilles histoires, bien qu’écrites par des sujets fidèles et respectueux de la monarchie, étaient saturées de républicanisme. Ajoutez aux auteurs que je viens de citer les poésies galloises et les journaux radicaux du temps, et vous aurez à peu près le compte exact de ce que contenait l’esprit du jeune homme lorsqu’il entrait, à seize ans, comme apprenti, chez un solicitor de Port Madoc. Il s’affilia bientôt à une debating society ou, comme nous dirions, à un club politique local et ne tarda pas à s’y faire remarquer. Un paragraphe, inséré dans une feuille obscure du comté, imprima une première fois ce nom destiné à envahir tous les journaux du monde. Ce précieux paragraphe nous garde la date et le sujet de sa plus ancienne effusion oratoire. Le jeune orateur de Port Madoc y flétrissait sans ménagement le bombardement d’Alexandrie et la conduite des Anglais en Egypte. Arabi Pacha lui apparaissait comme le champion d’une nationalité opprimée, le Brutus ou le Washington des bords du Nil. C’est ainsi qu’il entrait de plain-pied dans la politique à laquelle il est resté fidèle et qui fait partie en lui de l’hérédité ethnique : celle de l’imagination et du sentiment.

A vingt et un ans, il était reçu solicitor ; mais un certain temps s’écoula avant qu’il pût pratiquer : les trois guinées nécessaires à l’achat d’une robe lui faisaient défaut. Cet obstacle fut enfin surmonté, et il s’établit dans la petite ville où il avait fait son apprentissage légal. Un incident imprévu vint le mettre en évidence.


II

Il s’agissait de défendre une liberté qui est la plus respectable et, certainement, la moins dangereuse de toutes : la liberté des enterremens. Cette liberté avait été consacrée par une