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loi récente. Aux termes de la législation nouvelle, le ministre anglican n’avait plus le droit d’imposer sa présence et ses rites aux funérailles d’un non-conformiste. Mais il se résignait difficilement à sa dépossession et cherchait, par des moyens détournés, à entraver l’exécution de la loi. Il arriva que, dans certaine petite paroisse rurale du Carnarvonshire, un homme appartenant à l’une des sectes exprima, en mourant, le désir d’être enterré auprès de sa fille qui l’avait précédé de quelques années dans le cimetière du village. Le recteur mit obstacle à l’accomplissement d’un vœu si touchant et si naturel ; il prescrivit, comme le lieu de l’inhumation, un coin sinistre et désolé du cimetière, réservé jusque-là aux suicidés. Les coreligionnaires du mort allèrent demander conseil au jeune solicitor nouvellement établi. M. Lloyd George vint aussitôt, passa la nuit à compulser les registres et découvrit que le cimetière était propriété communale. Il dit aux paysans : « Vous avez le droit d’enterrer cet homme-là où il voulait reposer. » Alors, ils lui demandèrent : « Si nous trouvons la grille close, que ferons-nous ? » Et M. Lloyd George leur répondit : « Brisez la grille et, au besoin, renversez le mur, car vous êtes chez vous, sur votre terre. » Ainsi fut fait. L’affaire alla devant les magistrats locaux qui prirent le parti du ministre. Mais leur jugement fut cassé par le Lord Chief-Justice Coleridge. Le jeune lutteur avait eu cette chance d’avoir de son côté, à sa première bataille, la conscience publique.

A dater de ce jour-là, le nationalisme gallois n’eut pas de plus ardent défenseur. Il y a donc, me demandera-t-on, un nationalisme gallois ? À cette heure, il a repris sa place parmi les « émotions » et les « traditions, » mais, vers cette époque, il avait pris des allures militantes et quasi révolutionnaires. Un premier mouvement, en 1868 et 1869, avait avorté ; mais l’exemple et les excitations venues de l’autre côté du canal Saint-Georges l’avaient ranimé. Le fameux Michael Davitt parcourut la principauté en y jetant des discours qui étaient comme des tisons enflammés et mettaient le feu là où ils tombaient. Les orateurs locaux lui répondirent sur le même ton. Quand on lit les discours de M. Ellis, qui fut depuis le chief-whip du parti libéral, on croit entendre la plainte d’une nation opprimée qui dénonce devant la postérité et devant l’histoire des conquérans venus du dehors. Pour M. Lloyd George, à cette période