été apostés pour assassiner Chantecler. Ici le duel indispensable à toute pièce romanesque. Chantecler est un drame de plume et d’épée. Par bonheur, ces spadassins ne savent pas le premier mot de leur métier. Il est très dangereux d’armer de couteaux les pattes d’un coq, j’entends dangereux pour lui. Il est à craindre qu’il ne s’estropie lui-même. Et c’est ce qui arrive à ce Saltabadil. Périr victime d’un meurtre, sombrer dans un fait-divers, Chantecler ne pouvait avoir une fin si vulgaire. Et nous y aurions perdu le quatrième acte. Je dis : perdu, car ce quatrième acte égale presque en beauté le second.
D’un bout à l’autre, il est tenu dans une note de mélancolie, comme le second sonnait l’éclat du triomphe. C’est l’acte où Cyrano découvre qu’il n’a été toute sa vie qu’un fantoche, où l’Aiglon pleure sur le pauvre enfant que tout à l’heure il aura cessé d’être. Qu’est-ce que la fin pour un rêveur, si ce n’est la fin de son rêve ? Quand don Quichotte recouvre la raison, c’est alors qu’il ne lui reste plus qu’à mourir. Nous sommes encore une fois dans la forêt, la forêt mouillée de pleurs, humide de rosée, dont chantent toutes les feuilles. Il y a des concerts d’oiseaux, des chœurs d’oiseaux en prière. La prière à saint François qui, en son temps, fit le sermon aux oiseaux, est une de ces jolies trouvailles où excelle l’ingéniosité de M. Rostand. Dans la forêt où tout lui reste étranger, Chantecler a la nostalgie de la vieille demeure, seul endroit où il se sente chez lui. C’est ce que la jalousie d’une amoureuse a tôt fait de deviner. La faisane sent bien qu’il lui échappe ; elle lui en veut de ce chant qui n’est pas pour elle ; elle l’empêche de chanter. Et ce caprice bien féminin aura des conséquences incalculables. Car Chantecler n’a pas chanté, mais le jour a continué de se lever. Il faut donc que Chantecler se rende à l’évidence : ce n’est pas lui qui fait lever le jour. Sa foi dans la vertu de son chant n’était qu’une duperie. Premier désastre qu’un autre va suivre. Ce chant dont il s’est jusqu’ici enivré, il lui reste à douter de sa valeur d’art. Ecoutez ! Ces notes argentines, ces modulations souples, cette harmonie savante qui fait courir par toute la feuillée une âme musicale, ce Chant du rossignol… voilà la révélation. Se peut-il que de grossiers flatteurs aient préféré sa note rustique à la symphonie de cet artiste divin ? Par-dessus les flatteurs, Chantecler et le rossignol se reconnaissent et mettent en commun leurs rêves et leurs inquiétudes, leurs joies et leurs amertumes de chanteurs aimés des dieux : choisis pour avoir part aux agapes mystiques. Lui non plus, le rossignol, n’a pas la fatuité d’être content de lui. Si nul chanteur, sur cette terre, ne