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Autrichiens concentraient des troupes à Cattaro et à Trébigne. On se demande pourtant si le prince Nicolas et ses ministres crurent réellement à l’imminence d’un conflit armé. Dès l’entrevue de Salzbourg (4 septembre), entre le baron d’Æhrenthal et M. Tittoni, celui-ci avait été rassuré sur les conséquences de l’annexion ; quelque temps après, il avait déclaré dans un discours que l’Italie aurait des satisfactions et qu’elles consisteraient en un avantage pour le Monténégro, la libération du port d’Antivari et la modification de l’article 29 du traité de Berlin. Il est permis de croire que la diplomatie autrichienne ne laissa pas ignorer ses dispositions au prince Nicolas. En avril 1909, lorsque la crise fut entrée dans la voie des solutions, parole fut tenue au Monténégro qui sut faire plaider sa cause par l’Italie, au nom de la liberté de l’Adriatique, par la Russie, par la France et par l’Angleterre.

L’article 29 institue sur le port d’Antivari des servitudes autrichiennes. Il attribue à l’Autriche la commune de Spica (Spizza), turque avant la guerre, mais conquise par les Monténégrins avec Antivari et Dulcigno. Spizza domine du haut de ses collines la rade d’Antivari ; elle-même est dominée par des montagnes qui sont monténégrines, mais l’article 29 stipule que les Monténégrins ne devront pas élever de fortifications entre l’Adriatique et le lac de Scutari, tandis que les Autrichiens restent libres de fortifier Spizza. L’article 29 ajoute :


Le Monténégro ne pourra avoir ni bâtimens, ni pavillon de guerre. Le port d’Antivari et toutes les eaux du Monténégro resteront fermés aux bâtimens de guerre de toutes les nations.

La police maritime et sanitaire, tant à Antivari que le long de la côte du Monténégro, sera exercée par l’Autriche au moyen de bâtimens légers garde-côtes.

Le Monténégro adoptera la législation maritime en vigueur en Dalmatie ; de son côté l’Autriche-Hongrie s’engage à accorder sa protection consulaire au pavillon marchand monténégrin.

Le Monténégro devra s’entendre avec l’Autriche-Hongrie sur le droit de construire et d’entretenir, à travers le nouveau territoire monténégrin, une route et un chemin de fer.


Dans le traité de Berlin, où ils ne sont pas rares, il n’y a peut-être pas de plus criant abus de la force que celui que consacre l’article 29. L’Autriche, qui n’a pas combattu, prive le Monténégro du fruit de son héroïsme ; grâce à l’article sur la