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LE MONTENEGRO ET SON PRINCE.

police sanitaire, elle peut empêcher même les bateaux marchands d’accéder à Antivari ; elle peut étouffer le commerce monténégrin ; elle étreint la principauté à la gorge. Ce sont ces servitudes que les négociations de l’hiver 1909 ont, du moins en partie, fait disparaître. Le port d’Antivari est aujourd’hui libre, ouvert aux bâtimens de guerre comme aux bateaux de commerce ; la police sanitaire et maritime n’appartient plus à l’Autriche. Les Monténégrins auraient souhaité d’obtenir la cession de Spizza ou au moins l’obligation pour les Autrichiens de n’y pas élever de fortifications ; ils n’y ont pas réussi[1].

Le nouvel état de droit créé par les négociations de l’hiver dernier vient d’être démontré par un acte : une escadre française est venue, les 1er et 2 janvier, dans la rade d’Antivari ; le contre-amiral Pivet a été reçu par le prince et ses sujets avec un enthousiasme qui a prouvé non seulement le prix qu’ils attachent à l’amitié de la France, mais aussi l’importance que prenait à leurs yeux cette première visite d’une force navale étrangère « dans le libre port d’Antivari. » Le prince, dans son toast de bienvenue, a employé par deux fois cette expression. La presse autrichienne a montré quelque mauvaise humeur de cette visite ; elle lui a même attribué plus de signification politique qu’elle n’en avait ; elle a voulu y voir une conséquence de l’entrevue de Racconigi et de l’amitié de l’Italie et de la Russie. Si la visite de l’escadre française a eu pour effet de confirmer la pleine indépendance du Monténégro, elle n’aura pas été inutile, car cette indépendance et celle de la Serbie sont nécessaires à l’équilibre de l’Europe.

Dans cette crise de 1908-1909, si le Monténégro a, dans des circonstances difficiles, obtenu un avantage, il le doit à la haute autorité de son prince parmi les souverains et à l’habileté de sa diplomatie personnelle. Le mariage de ses filles et de ses fils l’a fait parent ou allié de la plupart des grandes familles régnantes ; les cours européennes ont pour lui les égards respectueux qu’elles témoignaient au vieux roi Christian de Danemark ; comme lui, Nicolas est un des « grands-pères » de l’Europe. Sa noble figure, rehaussée par le piédestal de ses montagnes, auréolée des exploits de sa jeunesse, se dresse au seuil de l’Orient, comme une

  1. L’article 29 a été modifié, mais non pas entièrement abrogé. Cependant aucune rédaction nouvelle n’a été officiellement adoptée. Il y a encore un article 29, mais personne ne sait quel en est le texte exact.