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un nombre extrêmement considérable de mètres carrés de surface libre et à chaque annulation de 1 mètre carré de surface libre, correspond une quantité notable d’énergie de mouvement. De là, naissance du régime torrentiel des cours d’eau. « Le torrent, dit-il, se précipite vers la vallée ; mais, dans cette course furieuse, les couches superficielles sont culbutées les unes au-dessus des autres et, chose étonnante, elles acquièrent plus de force à mesure qu’elles perdent leurs armes, c’est-à-dire leur énergie virtuelle. Rencontrent-elles un obstacle sur leur passage, aussitôt les couches se superposent avec une effrayante rapidité ; elles écument de fureur devant la barrière et bien souvent finissent par emporter celle-ci dans l’abîme. La transformation de l’énergie virtuelle en énergie cinétique dans les grandes masses d’eau qui descendent subitement des montagnes ne serait-elle pas l’une des causes des ravages qu’elles exercent et qui semblent devenir d’autant plus désastreux qu’elles ont à vaincre plus d’obstacles sur leur trajet ? »

Après avoir décrit d’une manière si énergique les effets des torrens, M. Van der Mensbrughe assure en pouvoir conjurer les périls. Il suffit, suivant lui, de disposer, à demeure dans le voisinage des sources et en amont des confluens, de grands sacs en toile goudronnée contenant de l’étoupe imprégnée de pétrole ou d’une autre matière huileuse : celle-ci, s’étendant sur l’eau, la prive de sa surface libre, cause de tout le mal, et c’est en définitive une forme du filage de l’huile, si préconisé contre les dangers de la tempête en mer.

Les dispositions qui déterminent les vraies inondations cataclysmiennes des torrens sont simplement atténuées dans le cas de certaines rivières qui, comme l’Yonne dans une partie de son cours, se meuvent sur un fond rocheux imperméable. Il ne lui manque qu’une pente suffisamment forte pour avoir un régime nettement torrentiel ; mais si elle n’a pas la vitesse, elle a la rapidité de réplique vis-à-vis de la pluie. C’est pour cela que les crues de l’Yonne sont annoncées par les variations des petits cours d’eau torrentiels affluens de cette rivière, la Haute-Yonne à Clamecy, le Cousin à Avallon et l’Armançon à Aisy.

Mais quand il s’agit des cours d’eau des pays perméables, comme l’Aube ou la Marne, les choses se présentent tout autrement et on peut assister à des manières d’être extrêmement différentes en apparence, qu’une étude attentive vient toutefois