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charme. L’éternelle Galatée fuit vers les saules ; mais elle a souhaité un instant d’être entrevue ; en quoi elle se montre encore très aimable ; et elle nous laisse la pomme qu’elle nous a jetée et qui sent très bon. Le fruit de la science, tout compte fait, c’est la pomme de Galatée. »

Telles sont peut-être les raisons pourquoi Nietzsche a mis Fontenelle si haut. Il lui a été reconnaissant et surtout il l’a respecté d’avoir eu beaucoup d’idées que Nietzsche entretenait déjà et qu’il devait pousser assez loin dans le monde. Et puis, voulez-vous que je dise ? Nietzsche ne pouvait pas laisser d’être assez complaisant pour ceux qui ne se défendent point de donner dans les opinions un peu paradoxales ou d’habiller les lieux communs en paradoxes.

Reconnaissons-le, du reste, et ne nous y trompons point. Fontenelle est un véritable philosophe qui, vous connaissez assez son caractère, n’a pas été « grand philosophe, » seulement parce qu’il ne l’a pas voulu et parce que c’était trop d’affaires.

Du reste, moraliste charmant ; et plus on le relit, plus on voit comme foisonner les réflexions fines, ingénieuses, toujours vraies sur l’esprit humain et le cœur humain : « Je ne suis pas si convaincu de notre ignorance par les choses qui sont et dont la raison nous échappe, que par celles qui ne sont pas et dont nous trouvons la raison. » — « Quelque ridicule que soit une pensée, il ne faut que trouver le moyen de la maintenir pendant quelque temps : dès qu’elle est ancienne elle est suffisamment prouvée. » — Sur les femmes instruites : « Elles ne sont pas moins obligées à cacher les lumières acquises de leur esprit que les sentimens naturels de leur cœur et leur plus grande science doit toujours être d’observer jusqu’au scrupule les bienséances extérieures de l’ignorance. » Ceci est la réponse au fameux passage de La Bruyère : « Qui empêche les femmes d’être instruites ? Quelle loi, quelle ordonnance ?... » Mais, s’il vous plaît, jusqu’au XIXe siècle, la pudeur du savoir, que les hommes ont persuadé aux femmes d’observer scrupuleusement. Du moment que les hommes ont fait une vertu féminine de l’ignorance ou de la dissimulation du savoir, pourquoi les femmes se seraient-elles donné tant de peine pour acquérir une instruction qu’il faut qu’elles cachent ? Le court chemin est de ne rien apprendre et elles s’y tiennent.

Et les épigrammes ! « Etant marié, il continua sa vie simple