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Des musiciens, des trompettes et des timbaliers suivaient dans les chaloupes, et la flottille, commandée par un capitaine, se mettait en route vers la ménagerie. On débarquait au bas des degrés qui conduisaient à l’entrée Nord et, arrivés sur l’amphithéâtre qui dominait ces degrés, les visiteurs, conformément aux instructions de Louis XIV, devaient se retourner et s’arrêter quelques instans « pour considérer le canal et ce qui le termine du côté de Trianon. « Ensuite on allait dans le Salon du milieu, où souvent une collation était servie ; on entrait dans toutes les cours des animaux, et finalement on se rembarquait pour se rendre à Trianon.

D’illustres compagnies visitèrent ainsi la ménagerie de Versailles. Pendant les célèbres fêtes de mai 1664, dont Mlle de La Vallière était la reine cachée, Louis XIV y vint une première fois en grande pompe avec toute sa cour. Au mois de juillet suivant, il en faisait faire les honneurs au nonce du pape le cardinal Chigi, pour lequel on fit exécuter dans le salon « d’excellente, musique italienne. » En 1674, lors des dernières grandes fêtes qui furent données à Versailles, le Roi offrit aux dames une collation à la ménagerie. Au mois de mai 1685, ce fut le doge de Gènes qui vient y boire « toutes sortes d’eaux glacées. » Enfin, la dernière visite officielle dont parle le Mercure galant ou la Gazette de France pour cette première période est celle de la jeune Adélaïde de Savoie destinée à devenir bientôt la reine de la ménagerie.

Les bourgeois et même le simple peuple eurent aussi la liberté de venir admirer les animaux du Roi. On ne put d’abord pénétrer dans le parc que lorsque Louis XIV n’était pas à Versailles et encore après s’être muni de billets. Deux de ces visites nous sont connues : celle de Mlle de Scudéry et celle de La Fontaine. Mlle de Scudéry vint vers 1668. Après avoir visité le salon du petit château qu’elle appelle « un grand cabinet à huit faces, » elle « admira, écrit-elle, ces belles poules d’Egypte que ceux qui les montrent appellent des demoiselles, à cause de leur bonne grâce et de leur beauté. » La fidèle description qu’elle nous donne de ces oiseaux : grands, droits, au plumage gris d’argent avec des « plumaches blancs, la poitrine et les yeux orangés, » nous indique que c’étaient des grues de Numidie. Elle remarqua encore les pélicans, les oies d’Inde, les canes maritimes, l’éléphant, les gazelles, les marmottes, les civettes, et, ajoute-t-elle, « un certain