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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 56.djvu/603

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électeurs, boutiquiers et employés, de voir les impôts sur la plus-value des fonds urbains provoquer, ultérieurement, une hausse des loyers[1]. Inquiétudes et souffrances élargissent peu à peu le cercle des intérêts économiques, sur lesquels mord la propagande en faveur de la Tariff Reform, panacée qui doit à la fois combler le déficit du Trésor, rendre à la terre sa fécondité disparue et imprimer à l’industrie un nouvel essor.

Ces espérances n’ont pas été sans gagner au parti conservateur des sympathies jusque dans la classe ouvrière. L’état du marché du travail, à la veille des élections générales, explique ces conversions inattendues. Le chômage a fourni des adeptes à la propagande protectionniste. La natalité débordante des familles pauvres, les progrès insuffisans de l’activité industrielle, la désertion constante des bourgs ruraux donnent à cette plaie sociale un caractère chronique. Elle a été avivée par la crise commerciale qui a sévi en 1908 et pendant les premiers mois de 1909. L’industrie du fer et de l’acier, les lissages de coton et de laine, les chantiers de constructions navales, ont fourni un certain contingent de out-of-work. Mais il ne convient pas d’en exagérer le nombre. Sauf dans le Midland, l’ouvrier spécialisé (skilled) n’a pas été atteint. Presque seuls, les manœuvres (unsidlled) ont supporté les conséquences de cette inactivité temporaire. C’est surtout la crise du bâtiment qui a jeté le désarroi dans le marché du travail. La construction des trums et l’ouverture des tubes avaient provoqué dans les banlieues une fièvre de construction. Elle est arrêtée. Le nombre croissant d’immeubles vacans, dans le centre des villes, fait réfléchir les propriétaires. On ne bâtit plus. Et le malaise commercial n’a pas contribué à améliorer le sort d’une industrie déjà sujette, de par sa nature, à de douloureuses fluctuations. A la suite de ces causes diverses, le pourcentage moyen des ouvriers syndiqués sans travail est monté progressivement de 3,7 et 3,9 en 1905 et en 1907, à 7,8 et 7,7 en 1908 et 1909. Ces

  1. Et, d’autre part, dans la banlieue nord-est de Londres, le député radical, J.-A. Simon, explique sa victoire, par la popularité des taxes agraires : les maisons sont insuffisantes et les loyers chers, parce que les propriétaires fonciers refusent de vendre les terrains non bâtis : ils attendent la hausse. La taxe budgétaire sur l’undevelopped land les obligera à bâtir ou à céder. On voit par cet exemple, pris entre mille, combien il est difficile de généraliser, de concilier tous les faits particuliers, souvent contradictoires, dans une de ces vues d’ensemble, que demande le lecteur français