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statistiques sont sans précédens depuis 1886 (9,5) et 1879 (10,7).

Parmi ces ouvriers du bâtiment et ces manœuvres de l’industrie, momentanément réduits au chômage, il s’en est trouvé, à Londres, dans le Midland, à Manchester, qui ont voté pour le candidat protectionniste. « Quoi qu’il advienne, je ne serai pas plus malheureux, et je risque de l’être moins, » disait l’un d’entre eux. Et sans grand enthousiasme, sans vraie confiance, le sans-travail, s’il n’appartient pas à l’aristocratie ouvrière embrigadée et éduquée, se résigne à tenter l’aventure.

Tantôt les traditions libre-échangistes, tantôt les inquiétudes protectionnistes l’emportent. En 1910, — ce ne fut pas le cas en 1906, — la force des deux courans s’équilibre presque. Leur conflit caractérise l’Angleterre d’aujourd’hui. Albert Sorel, pour définir la politique étrangère du Royaume-Uni, a dit que « les Anglais apportent au gouvernement de leurs intérêts mercantiles la même âpreté et le même orgueil qu’un Louis XIV au gouvernement de ses intérêts dynastiques. Leur économie politique est leur raison d’Etat. » La même formule peut être appliquée à la politique intérieure de l’Angleterre contemporaine. Les oscillations du pendule commercial règlent les variations de la balance électorale. Les nécessités économiques dominent la vie interne, comme l’activité diplomatique de l’île britannique.


II

Mais si l’idée est proscrite d’Outre-Manche, le sentiment ne l’est pas. Emotions et intérêts sont les deux facteurs psychologiques, qui, parfois concordans, souvent contradictoires, dictent les actes que raconte l’historien. On les retrouve en présence, dans cette question des Lords, qui a joué, dans la bataille électorale de 1910, un rôle presque aussi important que la vieille querelle entre Free Trade et Tariff Reform.

Depuis que, sous l’action persévérante du prince consort et de la reine Victoria, il a été élevé au-dessus des luttes parlementaires dans le domaine sacré de la neutralité constitutionnelle, le souverain n’exerce plus qu’un contrôle discret sur les affaires : leurs tendances échappent complètement à son influence.